– Qu’est-ce que tu ous, bordel ! On n’a pas décollé ! T’as dormi une heure et demie !
Moussa est vénère.
– C’est un ou !
– Désolé les gars.
C’est tout ce que cet en oiré trouve à dire.
– Démarre maintenant. On doit être à quator e heures à Strasbourg. Je te ure que si on n’y arrive pas, e te pète la gueule. C’est clair ? C’est ton ta , de nous emmener.
– Ouais, ouais, t’inquiète Mike, c’est parti.
Il redémarre. Je regarde mon téléphone. J’ai un texto de Camille à trois heures vingt.
Hello. Désolée, e viens seulement de voir ton appel. Ma soirée était top. J’espère que ça a été, ton concert. On s’appelle demain. Je t’em rasse, onne nuit.
E ectivement, ça devait être bien sa soirée pour qu’elle se couche si tard. J’aime pas trop ça. Je redoute tou ours qu’il y ait un salopard qui essaie de me la piquer. Un mec plus beau et plus intelligent que moi, qui lui erait dire que e suis vraiment pas le gars qui lui aut. Un bourge à la con. Je suis devenu un putain de aloux.
On arrive sains et sau s à Strasbourg vers midi. Il m’a bien saoulé, le Guillaume, cette nuit. Je suis un peu décalqué. On bou e des sand ichs triangles vite ait sur une aire d’autoroute uste avant d’aller à la salle. On verra encore rien de la ville.
Je suis en train de retourner au van quand mon téléphone vibre dans ma poche.
– Camille ?
– Ça va ?
– Ouais, on vient d’arriver à Strasbourg. Je suis claqué, e te raconterai. Et toi, ta ête ?
– C’était super ! Mes amis m’ont o ert des places pour le ballet de Pina Bausch à Londres. Tu sais, Le Sacre du printemps ? Je t’en avais parlé !
Je m’en souviens vaguement.
– Les gars qui dansent dans la boue ?
– C’est ça !
– Cool ! Y’avait des mecs à ta soirée ?
– Bien sûr.
– Des ex à toi ?
– Que ça ! On en a pro ité pour aire une partou e.
– Je suis mort de rire !
– Et toi ?
– Moi, e me suis tenu à carreau et pourtant y’a une meu qui m’a bien chau é.
– Ah ouais ? Elle était belle ?
– Belle, non mais bonne, oui.
– Alors pourquoi t’as pas sauté sur l’occasion ?
– Tu sais très bien pourquoi, Camille, t’es reloue…
– T’es là lundi midi, hein ? T’as promis ! Pour le resto avec mes parents.
– Ouais, e sais, t’inquiète.
– Je sais que t’as pas trop envie mais tu verras, ils sont vraiment sympas. Et tu craques pas ce soir. Même si y’a une petite brune aux gros seins qui vient se rotter à toi, tu la dégages, OK ?
– OK.
– Tu me manques.
– À demain, Camille !
Bordel ! C’est vraiment ma meu ? Des ois, ’en reviens pas. Moussa revient de la boutique de la pompe à essence, il glisse des Snickers dans sa sacoche à damier marron imitation Vuitton. Il a quand même une sacrée allure avec ses claquettes-chaussettes.
– Moussa, sérieusement, tu veux pas mettre des vraies chaussures un our ?
– Je suis con ort ! Tac, e les mets, tac, e les enlève.
– Les Air Max, c’est hyper con ort aussi.
– Qu’est-ce que tu me parles de ça ? T’es mon conseiller mode maintenant ?
– C’est comme tu veux mais à un moment, si tu veux choper, va alloir lâcher tes claquettes en plastoque. Tu mets plus tes Requins ? – Non, ’ai peur de les abîmer à orce. Et puis de toute açon, e pré ère pas avoir de meu que d’être le petit toutou à sa Camille.
– T’as un problème avec Camille ?
– Disons que t’es pas très marrant depuis que tu sors avec elle. Je sais pas, tu ais un peu le canard…
– De quoi tu me parles… ?
– On te voit moins et puis regarde, hier, la meu du catering, elle était super bonne ! T’as même pas levé le petit doigt. Elle était pas asse classe pour toi ?
– J’avais pas envie de me la aire, c’est tout… – C’est bien ce que e dis, tu deviens chiant. – T’avais qu’à te la taper, toi !
Moussa met in à la discussion en montant dans le van. Au début, il aimait bien Camille mais depuis un moment, e sens que ça le gêne que e reste avec elle. Faut dire que le peu de temps libre qu’on a, on le passe ensemble et e commence à esquiver les potes pour la voir. Il a peut-être raison, e deviens chiant. J’ai que vingt piges. J’ai le temps de me caser.
À Strasbourg, c’est de la olie pure.
J’ai des grosses périodes de doute, des moments où e me dis que e suis pas un kicker de ou ou que mes textes sont cramés mais ce genre de concert, ça me rebooste pour un bon moment.
Je suis excité un truc de dingue en sortant de scène. J’ai envie d’appeler Camille mais e le ais pas parce que ce que m’a dit Mouss me trotte dans la tête. C’est vrai que e me reconnais pas trop depuis quelque temps, et ’ai tou ours eu pitié de ces mecs qui peuvent plus rien aire sans leur meu . Dans la loge, c’est bonne ambiance. On ume du shit, on picole. On est bien. Skeem a chopé un peu de C. C’est pas trop mon délire parce que e suis plutôt adepte des trucs qui me calment mais, là, e suis chaud et e tape dedans. Y’a une meu qui traîne avec nous. Je sais pas ce qu’elle out dans cette putain de loge, si elle ait partie de la salle ou quoi. Elle est tout à ait mon genre. Je l’aurais enchaînée grave en temps normal. Elle voit que e la mate un peu alors elle se dirige vers moi.
– C’était génial, ton concert, ’ai adoré ! J’aime trop ce que tu ais.
– Cool ! Tu bosses ici ?
– Ouais, c’est moi qui ai ait ton merchandising. Ça a vendu grave.
– Je dois te remercier alors ?
Elle a une bouche qui m’excite pas mal. Je vois que Moussa nous mate. Si e la ette, il va vraiment se dire que e suis devenu une baltringue. Camille, elle en saura rien.
– Ça te dit qu’on aille dans un endroit plus calme tous les deux, pour discuter ?
– Discuter ?
Elle me sourit et m’attrape la main. Je la suis dans la pièce d’à côté. Moussa me ait signe qu’elle est trop bonne.
Ça me ait tout bi arre de tenir une autre main que celle de Camille. Celle de la ille est plus épaisse avec des ongles longs, alors que che Camille, tout est hyper in et elle ait pas des trucs genre manucure. Des mois que je touche plus qu’elle ! C’est ouf !
La ille erme la porte derrière nous et elle me roule une pelle. Je sais pas, les meu s qui ont ça, c’est dingue quand même. Camille, elle erait pas ça. Quoique, elle était quand même venue dans ma loge pour que e la saute. J’aime pas son par um, à la nana. Il est trop ort. Je bande pas. C’est Camille qui m’empêche, ’en suis sûr. Elle m’a ait un vaudou, un truc comme ça pour que e puisse bander que pour elle. Ou c’est la coke.
La ille sent que e suis pas vraiment excité alors elle se met à genoux et elle commence à déboutonner mon ean. Et e l’arrête.
– Laisse tomber, e suis trop dé oncé…
– T’es sérieux ?
– Ouais…
Elle se relève d’un bond et sort de la pièce en claquant la porte. C’est sûr et certain, elle a pas l’habitude de ce genre de situation parce qu’elle est bonnasse et que les mecs doivent sûrement se battre pour l’avoir.
14
MIKE
Le lundi matin dans le van, l’ambiance est bonne. Ça sent un peu le ennec. Je pense que y’en a deux-trois qui se sont pas lavés depuis qu’on est partis de Paname. On écoute du Alkpote à blinde. Moussa me demande si la meu d’hier a assuré. Je commence à trouver ça malsain, que le gars se tape des gon esses par procuration.
– Je l’ai pas sautée.
– Tu déconnes, là, rère ? – Non, ’étais pas dedans. – Sérieux ?
– Ouais, elle m’a dit la même chose !
Guillaume se gare sur la première aire d’autoroute qu’il trouve pour aire le plein. Je vais me chercher un ca é. Et quand e reviens, il est tou ours en train de remplir le réservoir, les yeux ixés dans le vague.
– Ça va, mec ?
Il revient à lui.
– Ouais, tranquille, e inis le plein et… merde !
– Quoi ?
– Je me suis planté !
Il retire le pistolet du réservoir.
– Quoi ? De quoi tu t’es planté ?
– J’ai mis de l’essence au lieu du diesel !
Il reste comme un con avec le pistolet dans les mains et des gouttes d’essence qui linguent ses pompes.
– Tu te ous de ma gueule ?
– Nan… mais t’inquiète, on va vidanger le réservoir.
– T’es complètement con ou tu le ais exprès ?
Je m’approche tout près de lui. À un centimètre de sa ace. Il a un mouvement de recul. Et repose vite le pistolet sur la pompe.
– Je l’ai dé à ait sur la voiture de ma mère, e t’assure.
– T’as raison, bou on ! On va vidanger quatre-vingts litres, comme ça, sur le trottoir.
Il baisse la tête comme un môme qui se ait engueuler.
– Désolé, Mike !
Moussa et Mehdi descendent du van à toute vitesse. Ils ont vu que ’étais à deux doigts de lui dé oncer la gueule, à ce connard. Je pense à Camille. Ça s’annonce mal pour son dé euner en amille.
On est obligés d’appeler une dépanneuse. Les gars arrivent tout tranquilles. Ils mettent le van sur leur remorque et le tirent avec nous dedans. Kylian dit qu’ils ont pas le droit de aire ça, que c’est hyper dangereux. Moi, e m’en ous du moment que ça ait accélérer les choses. Je vais me aire eter par Camille si e rate son outu dé euner. Jeter dé initivement, cette ois.
On atterrit dans un bled. Dans le in ond de l’Alsace. C’est la misère !
– Vous pense qu’il sera prêt quand ?
Le garagiste qu’est un mec à l’ancienne, bien bourru, me regarde des pieds à la tête.
– Hé ho, gamin ! On n’est pas à Paris ici, hein. Le garage, il ouvre à dix heures.
Pas de négociation possible. Y’a plus qu’à attendre.
Guillaume, qui se sent comme un con qu’il est, nous propose de nous payer un ca é dans le seul rade du bled. On rentre dans le bar et ça me ile direct le seum, les hermines empaillées, les nappes à carreaux, les chaises en bois avec l’assise en paille. Mes gars se marrent. Moi, e suis saoulé de ou . Faut que ’envoie un texto à Camille.
Je prends mon tél et e vois qu’elle m’a envoyé dé à deux messages pour savoir où ’en suis. Je lui réponds qu’on a eu un souci, que notre driver a ait le con.
Tu seras pas là, alors ?
Non, e pense pas. Je suis désolé Cam,
c’est pas ma aute e te ure. Va te aire outre !
Ouch ! Elle est vraiment vénère pour me répondre ça. Elle est pas souvent grossière. Je sais pas quoi répliquer. Je l’appelle. Elle décroche pas. C’est sûr et certain, cette ois elle ait la gueule. Moussa me chambre en voyant ma tête.
– Alors beau gosse ? Ta princesse, elle ait la tronche ?
Je lui réponds même pas. Je suis trop tendu et ça risquerait de partir en couille. J’entends la petite clochette de la porte d’entrée du resto et machinalement e me retourne. Et là, e vois le garagiste qui vient prendre son petit ballon de rouge à neu heures du mat. Putain, on n’est pas partis.
Quand on arrive en in à Paris, il est sei e heures. Le remorquage et la vidange, ça nous a coûté trois cents balles. La paie de
Guillaume, quoi. En plus, ce con avait mal garé son scoot et il se l’est ait enlever. Il a gagné son eek-end. Moi aussi parce que e sais pas encore comment e vais recoller les morceaux avec ma meu .
CAMILLE
Il me saoule vraiment, là. OK, il n’y peut rien s’il avait des concerts le our de mon anniversaire, mais il m’avait promis d’être là pour le resto avec mes parents et ma grand-mère. C’est qu’un sale con d’égoïste. Mes parents vont vraiment penser que e ne veux pas le leur présenter. Ou que c’est lui qui est louche.
– Quoi ?
– Cam ! J’ai essayé de t’appeler toute la ournée !
– Et ?
– Je te ure ! Je suis désolé pour le resto avec ta amille.
– Je savais que tu viendrais pas.
– Bordel ! C’est pas ma aute, e te dis, e voulais vraiment venir. – Tu parles… Tu lippes tellement de les rencontrer…
– Moi, e lippe ? Laisse tomber.
Je me mets à crier dans le téléphone.
– Oui, tu lippes ! Tu lippes parce que t’as peur que ça devienne sérieux entre nous. Parce que tu veux pas t’engager. Que tu penses qu’à toi et à ta musique. T’es trop occupé par toi-même, Mike ! Tu sais comment c’est dur, d’être danseuse à l’Opéra ? T’as même pas idée. Ton rap à côté, c’est des vacances. Et, oui, tu lippes de rencontrer mes parents ! Tu m’as même pas o ert un putain de
cadeau pour mon anniversaire. Même un pauvre truc pour marquer le coup.
J’ai tout débité d’une traite.
– Camille, c’est bon. Tu te calmes, là. J’allais t’en o rir un, de cadeau.
– OK, passons. J’espère au moins que tu t’es pas ait de meu , là- bas ?
– Non ! Bien sûr que non.
– Même pas un petit roulage de pelle ou un pelotage dans un coin ?
– Euh… non.
Je sais tout de suite qu’il s’est passé un truc. Il a eu cette seconde d’hésitation.
– Putain, quel en oiré ! Tu m’as trompée ? Et le our de mon anniversaire. Tu m’avais dit que t’avais résisté !
– Non, e te ure, e t’ai pas trompée ! Et oui, ’avais résisté à Brest mais Moussa m’a mis des conneries dans la tête et y’avait cette ille à Strasbourg et e…
– Ah ! Parce que c’est la aute de Moussa si tu peux pas t’empêcher de coucher avec la première pétasse venue ? Mais assume, bordel !
– Écoute, Cam. Il s’est rien passé avec elle, e te ure. Elle m’a roulé une pelle. Elle a voulu me sucer et e bandais même pas…
– T’es sérieux, là ? Écoute-moi bien, Mike : tu m’oublies. Je veux plus te voir, va te aire outre ! T’es même pas capable de garder ta queue dans ton ute deux soirs de suite !
Je raccroche.
Les mots sont sortis tout seuls. Des mots que e n’utilise amais. Mais ’en ai ras le bol, d’être celle qui ait tou ours le premier pas, qui ait tous les e orts, qui pense à nous, à notre avenir. Il ne m’a
même amais dit qu’il m’aimait. Il est uste dans le coin et il me si le quand il a envie de baiser. J’y ai cru, mais ’en peux plus. Ça commence à agir sur ma danse. Et il y a cette douleur à la hanche qui continue de m’embêter. Je n’ai même pas eu l’occasion de lui en parler parce qu’il est trop occupé par ses concerts, son album, ses potes. Maria la danseuse espagnole avait raison. Il est trop eune. C’est qu’un putain de gamin.
MIKE
Elle m’a raccroché à la gueule et ’arrive plus à la oindre. Je tombe direct sur sa messagerie. Mais qu’est-ce que ’y peux, moi, si ce blaireau de Guillaume est moitié débile ? Je suis en sursis avec elle mais cette ois, c’est vraiment pas de ma aute. En in si, la gon esse, ’aurais pu éviter, mais si ’avais été à l’heure à son putain de dé euner, elle en aurait rien su.
Si e ais le bilan de ces dernières semaines, c’est vrai que e pense beaucoup à ma gueule, à mon rap. Mais à elle aussi. Plus qu’aux autres meu s avec qui ’ai été. C’est pas asse . Pour elle, e sais bien que c’est pas asse . J’ai pas le choix, le temps ile et aut que ’aille vite. Le rap, c’est là, maintenant pour moi. Faut occuper le terrain au max. Depuis l’enregistrement en Belgique, ’ai essayé d’être plus dispo pour elle, que ça se passe mieux entre nous. Même si ’ai clairement déconné à l’anniv de Mouss. Et encore un peu ce eek-end avec cette meu . Pour moi, c’était rien mais e sais qu’elle va pas digérer le truc comme ça. Je me prends trop la tête avec tout ça. Je suis tiraillé entre elle, mes potes, ma ik.
Bre , ’ai bien conscience que ’ai une grosse part de responsabilité dans ce bug entre Cam et moi, mais aut pas croire, elle a la sienne aussi. Elle peut amais sortir. Elle a tou ours une
répète, un entraînement ou besoin de se reposer. Et e vois bien qu’elle est moins sur moi depuis quelque temps. Je repense à Sylvain, le our où elle l’a largué, quand il disait qu’il la sentait distante depuis un petit moment. C’est exactement ça. Je la trouve uyante et même un peu triste. Pas comme d’hab, bi arre. Il aut que e la capte absolument pour essayer de rattraper le coup.
Je vais che Mouss pour lui taxer son scoot. C’est sa mère qui m’ouvre. Elle m’aime bien, sa daronne, alors aut tou ours qu’elle me tape la discute. C’est la vraie mama a ricaine avec le boubou et tout. Elle est chouette, tou ours en train de se marrer. Son père par contre, e crois que ’ai amais entendu le son de sa voix. Il est tou ours sur son canapé et il dit pas un mot. Ils ont un drôle de couple, en vérité. Elle est aussi grosse que lui est maigre et elle est aussi bavarde que lui taiseux. Je suis un peu pressé alors ’écourte gentiment avec elle et e ile dans la chambre de Mouss.
– Qu’est-ce que tu ous là, beau gosse ?
– Tu peux me iler ton scoot pour ce soir ?
– Bah, ouais gros. T’as un souci ?
– Ouais, avec Cam…
– La châtelaine est pas contente ?
– Tu me iles tes clés, oui ou merde ?
Mouss sort son trousseau de la poche de son oggo et me le balance.
– Tiens ! T’es vraiment accro, ma parole.
– Peut-être, e sais pas…
– Moi e suis sûr. C’est pas une meu pour toi, sérieux…
– Pourquoi tu dis ça ?
– Regarde comment tu te prends la tête depuis que t’es avec elle ! C’est le genre à te manger le cerveau. Je dis ça pour toi, rère ! Je te trouve mieux quand t’es avec Coralie…
J’ai pas du tout envie d’entendre ses conneries alors e me barre. – Merci mec pour le scoot.
Tant pis si e croise les darons de Camille. Tant pis s’ils trouvent que ’ai l’air d’une racaille. Tant pis si Camille me ette. Au moins,
’aurai essayé. Quand ’arrive devant che elle, e sonne à
l’interphone.
– Bon our, est-ce que e pourrais parler à Camille, s’il vous plaît ? – Mike ?
– Ah, c’est toi ! Faut que e te parle, Cam.
Comme réponse, ’ai uste droit à « troisième gauche » suivi du bu de la porte. Et ça me va. Elle m’attend sur le palier, cheveux détachés avec uste un grand tee-shirt blanc qui lui arrive en haut des cuisses et qui laisse voir toute son épaule. Elle ait chier, à être belle comme ça.
– Qu’est-ce que tu ous là ? Tu sais que t’aurais pu croiser mes parents ?
– Je sais ouais, mais allait que e te parle. On peut pas rester là- dessus. Et puis e m’en ous, de les rencontrer… En in e veux dire, ça me pose pas de problème.
– C’est ça, ouais. Entre. T’as de la chance, ils sont pas là avant minuit. Ils sont che des amis.
Je pose mon casque par terre dans l’entrée et e la suis dans le salon.
Elle était en train de regarder un ilm. Elle le met sur pause sur la tête d’un co -boy qu’a l’air en rogne.
– Qu’est-ce que tu matais ? Un estern ?
– Ouais, un John Ford…
– Connais pas. Je croyais que c’était une blague, pour les esterns. Je te voyais pas vraiment ki er ce genre de ilm.
– Comme quoi, toi non plus tu me connais pas bien… Tu viens pour quoi, Mike ?
– Je veux pas qu’on se quitte.
Elle s’assoit sur le canapé et e ais pareil. Pas trop près pour pas la brusquer.
– Je sais pas, Mike. À chaque ois on essaie, ça marche un temps et ça repart en couille. On évolue dans des univers totalement di érents. On n’a pas la même vie, pas le même genre d’amis, pas les mêmes ré érences… T’es à ond dans ta ik et moi dans ma danse. Et puis, tu penses qu’à toi en vérité. Moi aussi, e ais des choses. J’ai des nouvelles pièces, des premières, tu ne me demandes amais comment ça se passe.
– Je sais… Mais l’album sort bientôt et…
– Tu vois !
– OK, OK ! Je suis qu’un connard mais ’ai besoin de toi, Camille ! Vraiment.
– Et cette meu à Strasbourg ?
– Quoi ? Mais e m’en branle ! Moussa m’a dit que e devenais chiant à cause de toi. Et comme un con, ’ai voulu lui prouver le contraire… Un truc dans le genre. Comme elle était là et qu’elle était clairement open, e… bon voilà, e t’ai dit, il s’est rien passé.
Je me rapproche d’elle et e retire la chevalière que ’ai tou ours à mon doigt.
– Tiens ! Ton cadeau.
– Ta chevalière ?
– Je te l’o re. Et e veux pas que tu la quittes, OK ? Même pour dormir. Et c’est pas genre ’ai pas trouvé de cadeau ou quoi. C’est ce que ’avais prévu de t’o rir depuis un bail mais e pouvais pas te la donner avant… Paraît que aut pas êter les anniv à l’avance.
Elle prend la bague entre ses doigts ins, la regarde quelques secondes ixement. J’arrive pas à déchi rer son expression. Est-ce qu’elle est touchée ou est-ce qu’elle pense que je me fous de sa gueule ? Elle l’en ile inalement à son annulaire mais elle est trop grande alors elle la glisse sur son index.
– Mike… Merci, ça me touche.
Ouf !
– Elle est un peu grande pour tes mains toutes ines. Je peux la aire resserrer s’il aut.
– À ce doigt-là, elle me va bien.
– C’est celle de mon père tu sais ?
Elle retire tout de suite la chevalière et me la tend.
– Alors e peux pas. C’est trop intime.
Je re erme sa main sur la bague et e m’approche tout près d’elle. Je l’embrasse et e glisse mes mains sous son pull. Mes doigts sont roids sur son corps tout chaud. Elle me laisse la caresser. Ça a été plus acile que ce que ’avais imaginé. Mais elle m’arrête, me regarde et s’écarte un peu de moi.
– Je veux bien qu’on asse l’amour ce soir parce que ’en ai trop envie, là maintenant, mais ça veut pas dire que e te pardonne ni qu’on est ensemble, OK ?
– OK !
Je suis trop excité pour répondre autre chose.
On est en train de baiser. Elle est sur moi, ’aime bien quand c’est elle qui bosse. Tout à coup, elle pousse un petit cri. Mais pas un cri de plaisir. Un cri de douleur.
– Ça va Cam ?
– Non… e… désolée…
Elle s’allonge à côté de moi, les deux bras entre ses ambes. – Qu’est-ce qu’il y a ? Je t’ai ait mal ?
– Nan, c’est pas toi. Putain… Elle a l’air de vraiment douiller. – Qu’est-ce qu’il y a ?
– J’ai… J’ai des problèmes aux tendons de la hanche, ça ait un mal de chien.
– Je peux aire quelque chose ?
– Mes médocs, dans mon sac près du bureau. S’il te plaît.
Je prends quand même deux secondes et demie pour me débarrasser de la capote et en iler mon caleçon. Je ouille dans son sac. Quel bordel, sérieux ! Je tombe sur une plaquette argentée avec des grosses gélules vertes.
– C’est ça ?
– Oui.
– Combien ?
– Une seule. Tu me passes la bouteille d’eau sur le bureau ?
Je m’assois sur le bord du lit et e lui tends son eau et son médoc. Elle avale tout ça d’une traite, prend une grande inspiration et sou le tout doucement.
– Désolée, Mike. Je me suis ait ça en répétition… Après le our où on est allés che toi, tu te souviens ?
Je ais signe de la tête que oui.
– Ça ait un mois que ça dure. Ça allait mieux mais là, e viens de ressentir la même douleur que la première ois.
– Un mois ? Mais ’ai rien vu. C’est de ma aute, là, si tu t’es re ait mal ?
– Non, c’est pas ta aute. Je te dis, e me suis blessée en dansant et puis c’est normal que t’aies rien vu, e t’en ai pas parlé.
– Pourquoi, putain ?
– C’est arrivé au moment où t’as signé che Universal. T’étais à ond. Je voulais pas t’emmerder avec mes angoisses, e t’emmerde
dé à asse comme ça. Il y avait cette histoire de Coralie qui me prenait la tête, après il y a eu l’épisode « salope » (elle mime des guillemets dans l’air), le lapin pour mon anniv, la meu que t’as embrassée… Il y a tou ours un truc, quand on y pense.
Elle me ait un petit sourire triste. Ses yeux sont tout brillants. Et ’aime pas ça. C’est comme si elle lâchait l’a aire pour nous. Comme si elle y croyait plus du tout. Je pré ère quand elle est vénère. Elle hausse les épaules.
– J’ai pas trouvé le bon moment. Et puis, comme la douleur s’était calmée, e pensais que ça irait.
– J’hallucine… C’est pour ça, alors, que t’es comme ça depuis quelque temps. Je te trouvais un peu triste. Distante.
Elle acquiesce d’un petit signe de tête.
– Pour tout te dire, Rodrigue m’a demandé de me concentrer plus sur la danse et moins sur ma vie privée… C’est pour ça aussi que ’ai mis un peu de distance entre nous. Pas que pour les sales plans que tu m’as aits.
Ma connerie reprend le dessus.
– Il est tranquille, lui… Il te ki erait pas un peu, le bâtard ?
– Mais non, tu comprends rien. Il pense que e me suis blessée parce que e suis pas concentrée sur la danse.
Elle se met à pleurer comme une môme. Et e sais pas comment réagir.
– Cam…
Je la prends dans mes bras. Ses larmes toutes chaudes coulent sur ma peau. En vérité, e la comprends. Je serais au ond si demain e perdais encore ma voix, comme à la mort de mon daron. Et e rappe seulement depuis quatre ans. Elle, c’est sa vie depuis tou ours. Je me sens tellement con d’avoir tenté un truc avec cette meu à
Strasbourg, d’avoir écouté Moussa. Elle a raison, e suis un gamin. Un petit con. J’ai rien capté.
– Je suis censée passer un IRM bientôt. J’ai pas encore pris le rende -vous parce que e lippe. J’ai peur qu’on me dise que c’est ini, que e pourrai plus danser. J’ai le concours de su et dans trois mois.
– Ça va aller, Cam…
Je lui caresse les cheveux. Elle me serre super ort et e l’embrasse. Un baiser salé par ses larmes.
– Mike, e te ure, rien que de penser à l’éventualité de devoir raccrocher mes pointes, ça me rend malade. Je peux pas imaginer.
– Ça se trouve, il te aut uste du repos. Pourquoi tu m’as rien dit ?
– Qu’est-ce que ça aurait changé ?
– Rien pour ta hanche mais ça m’aurait peut-être évité de me comporter comme un connard. Je viendrai avec toi pour ton IRM, OK ?
– OK…
– Et ’aimerais bien que tu viennes sur mes prochaines dates. – T’as peur de craquer ?
– Non. Je veux qu’on reste ensemble. Je veux m’occuper de toi. Tu peux prendre des vacances ?
Elle me serre encore plus ort.
– Je vais essayer. Moi non plus, e veux plus qu’on se sépare.
– Pour ta hanche e suis sûr que c’est rien. Je le sens. Et au pire, y’a rien d’impossible. Regarde D ango Reinhard ! Mon daron me le citait tou ours en exemple. Le gars, il avait la main toute brûlée et il lui manquait des doigts… C’est devenu un des plus grands guitaristes de tous les temps. Il a ait de sa galère une orce. Exactement comme toi tu vas aire, Cam.
15
CAMILLE
J’aime bien rouler en voiture la nuit, ça me rappelle quand ’étais petite et qu’on partait en vacances avec mes parents. Mon père nous aisait lever en pleine nuit, vers trois ou quatre heures du matin, pour prendre la route. Il disait qu’il n’y avait que les bons conducteurs qui conduisaient la nuit. La peur excluait les mauvais. Je ne sais pas s’il avait raison, mais ce qui est sûr, c’est que la peur, c’est un rein pour tout, dans la vie.
Je me souviens que e marchais en baskets-py ama au radar usqu’à la voiture, mi-excitée mi-épuisée, mon oreiller et ma couverture sous le bras. On chuchotait pour éviter de réveiller les voisins. Je me aisais un lit de ortune et e me rendormais en regardant les lumières de la ville dé iler à l’envers. À l’abri de la nuit, sur le cuir de la banquette arrière.
Je me sens protégée aussi dans cette voiture avec Mike qui conduit, absorbé par la route et par la musique lancinante de Free e Corleone. C’est son rappeur étiche du moment. Je l’aime bien, moi aussi. Je commence à vraiment aimer le rap. J’ai même mes propres
chouchous, comme Alpha ann que Mike m’a ait découvrir
récemment.
Il n’a pas vu que e m’étais réveillée, alors ’en pro ite. Ma grand- mère, Blanche, dit qu’on ne voit vraiment les gens que quand ils ne savent pas qu’on les regarde. Mike, il a l’air à la ois triste et en colère. Fort, mais aussi ragile. Mon Dieu ! Jamais je ne lui dirais un truc pareil ! Mais c’est vrai. Il est dur, en in il oue les durs, mais c’est un tendre. J’en suis persuadée. Même la ois où il m’a traitée de salope à la soirée de Mouss, e sais que c’est parce qu’il était vraiment aloux, blessé. Il a eu peur que ce gars me vole à lui. Bi arrement, derrière son insulte, e crois apercevoir de l’amour. En in, c’est ce que e me dis au ourd’hui, maintenant que la colère est retombée. Et l’épisode digéré.
Il est hyper protecteur avec moi depuis que e lui ai dit pour ma hanche. Apaisé, même. Je regrette de ne pas lui en avoir parlé plus tôt. Ça lui plaît, de pouvoir ouer ce rôle, comme si c’était précisément la place qu’il attendait.
On rentre de quelques ours au bord de la mer, près de Montpellier. Il avait plusieurs dates dans le Sud et on en a pro ité pour rester trois ours tous les deux. On a passé notre temps à aire l’amour, manger et dormir. Le minimum vital. En in, en vrai, c’était le maximum vital pour moi. J’ai tellement aimé entrer en usion comme ça avec lui. Notre principale sortie, c’était d’aller sur la plage le soir quand elle était déserte et que le soleil se couchait. Septembre, c’est l’idéal pour les amoureux. Les vacanciers sont tous partis, ils arpentent les supermarchés, leur liste de rentrée scolaire à la main. Et nous, on a la plage pour nous tout seuls. C’est comme ça, sur le sable, avec les va-et-vient de la mer en bruit de ond, que e lui ai dit que e l’aimais. Cliché romantique, le décor m’a inspirée. C’était la première ois et pour moi, c’était pas rien mais il n’a pas relevé. J’étais assise entre ses cuisses, la tête calée sur son épaule, il m’enveloppait avec ses bras. Je lui tournais le dos mais si ’avais vu
ses yeux à ce moment-là, e suis sûre que ’aurais pu y lire de la panique. Il m’a embrassée comme pour clore le su et. Esquiver la réponse. J’avais espéré au moins un simple « moi aussi », mais rien. Il a encore quelques concerts dans la région parisienne à la in du mois et sur le mois d’octobre mais après, on sera tranquilles usqu’à la sortie de l’album. Je l’aurai un peu plus pour moi toute seule. La date de sortie a été décalée à évrier inalement. Universal voulait encore aire monter le bu , comme ils disent. Mike était un peu déçu mais il n’a pas vraiment le choix. En attendant, il sort quelques titres, quelques eat pour garder le public en alerte.
Après l’épisode Strasbourg, e l’ai suivi en tournée sur ses dates qui ne demandaient pas de aire trop de route, à cause de ma hanche. D’ailleurs, Mike a tenu ses promesses. Il m’a accompagnée à l’hôpital pour passer l’IRM. Conclusion : con irmation des calci ications et des tendinites associées à une bursite trochantérienne. Des mots qui ont lipper mais rien de trop méchant. Une ragilité certaine, quand même.
Comme Mike avait pas mal de dates et que le tourneur voulait se aire pardonner le tra et Brest-Strasbourg en van, il leur avait loué un tour bus pour les dates dans le Sud. Petit salon avec grand écran plat, auteuil en cuir. Playstation. DVD. Et même une télé dans les toilettes. Il y avait un côté dortoir de colo avec ce long couloir de lits superposés. Mike et moi, on dormait uste tous les deux dans une petite pièce au bout qui ermait par une porte. On avait quatre lits superposés mais on n’en utilisait qu’un seul. C’était pas très hot entre nous, avec les gars uste à côté. Même si c’est con ort, ça reste un bus avec des cloisons toutes minces. Mike ne voyait pas le problème puisqu’il y avait une porte mais, moi, ça me gênait trop. Du coup, e dormais dans le lit du dessus quand il était trop chaud. Il
râlait un peu mais pas longtemps, il était super crevé après les concerts.
Quand e ne pouvais pas aire la route avec eux, e prenais le train et quand c’était vraiment trop loin, comme le estival en Espagne, e ne venais pas.
C’était dingue, cette tournée. Court, à peine quin e ours, mais dingue. Clairement, ’ai eu envie de tuer quelques illes qui lui tournaient autour après les concerts. C’est étonnant de voir combien certaines nanas peuvent être débridées quand il s’agit de sortir avec un mec un peu connu. Je pensais qu’il en ra outait pour se aire mousser quand il me racontait les ins de concerts, mais non. Je dirais plutôt qu’il atténuait le truc. Même quand ’étais dans les parages, certaines tentaient leur chance. Au début, e marquais mon territoire en lui roulant de grosses pelles devant tout le monde ou en ayant toutes sortes de gestes a ectueux, et puis ’ai lâché l’a aire. J’ai décidé de lui aire con iance. Comme le dit l’adage, devenu amilial, « la peur n’évite pas le danger ».
La tentation était orte pour Mike mais il s’est tenu à carreau même quand e n’étais pas sur place. C’est ce qu’il me dit. Je le crois. Il est secret mais pas menteur.
Grâce à cette tournée des estivals, e me suis un peu rapprochée de Moussa. Un soir où Mike avait des intervie s et enchaînait sur un concert tard, on s’est retrouvés tous les deux à picoler comme deux vieux camarades et à parler. Beaucoup parler. C’est un mec bien, Mouss, et il commence à comprendre qui e suis. Il « déchi re la recette », comme il dit. Depuis, il nous arrive souvent de discuter quand on se retrouve dans les concerts ou en soirée. Je le trouve très drôle. J’ai un peu plus l’impression de aire partie de la bande depuis cette tournée.
Fin octobre. La date de mon concours approche à grands pas. Je dors che Mike la plupart du temps. Sa mère veille à nous laisser de l’espace. Je m’entends bien avec elle. Depuis le début. On s’aide toutes les deux à en connaître plus sur lui. Il déteste ça, ’en suis sûre.
Mike n’a tou ours pas rencontré mes parents mais e ne désespère pas. Cinq mois qu’on est ensemble, ça ne devrait plus tarder. En in, bon, ça devrait.
Il y a quin e ours, ’ai croisé Coralie dans la cage d’escalier. Elle m’a alpaguée.
– Hey ! C’est toi la copine de Mike ?
– Euh, oui… Et toi ?
Je n’avais pas besoin de demander, e savais que c’était elle. C’était mon opposé. Une petite brune avec des ormes, la peau mate, de grands yeux noirs et un petit diamant au-dessus de sa bouche charnue. Je l’ai trouvée très olie et ’ai tout de suite été alouse d’elle, de sa éminité, de sa sensualité.
– Son ex…
Elle me dévisage un moment, ça me paraît long. Je l’interromps. – Quoi ?
– T’es tellement pas son genre…
– Je sais.
– Faut croire que c’est ce qu’il cherchait, cet en oiré, puisque t’es la seule avec qui il est resté…
– Faut croire.
Elle regarde la chevalière de Mike à mon doigt et son visage se erme.
– Je l’aimais vraiment, ce bâtard. En in, e l’aime tou ours à vrai dire, mais e sais que c’est mort.
Je n’ai pas su quoi lui dire. Je ne pouvais pas la consoler puisque c’était moi qui lui avais volé son Mike. Et puis, ’avoue, ’étais contente d’être celle qu’il avait choisie.
– T’as bien outu ta merde. Je te déteste pas mal, blondinette. – J’imagine. Mais e te rassure, moi aussi.
Elle m’a ait un petit sourire. C’était étrange, ce moment. C’était comme si on se connaissait. On aime le même garçon, on est rivales, c’est sûr, mais on se comprend.
Le soir même, e n’ai pas pu m’empêcher de le raconter à Mike et de lui prendre la tête sur le ait qu’elle est tellement plus sexy que moi. Il m’a vannée et m’a dit qu’il ne pouvait pas plus me prouver qu’il me désirait. Et que maintenant, son genre, c’était moi. Ça m’a plu. Il m’a dit aussi de me mé ier d’elle parce qu’elle n’en a pas l’air, mais c’est une peste.
J’ai repris les répétitions à temps complet. Mon concours est dans quin e ours. Je travaille dur.
Moussa chambre tout le temps Mike. Il n’arrête pas de lui dire qu’il est devenu un vrai canard et que c’est triste à voir, mais il le ait amicalement, maintenant. Il s’arrête tou ours à temps. Moussa, il ne peut pas imaginer sa vie sans Mike de toute açon.
MIKE
Je suis dans la loge en train de parler avec Antoine, le gars d’Universal, et il me suce bien la bite en mode « Ton concert, ce soir c’était géant » et « Quand l’album sera sorti, on era disque d’or, c’est sûr ». Ça ait trop du bien d’entendre ce lèche-cul me dire que e suis un king. Ça devrait pas mais c’est le cas. Je sors tout uste de scène. Trempé de sueur. La salle était pleine à craquer et le public chaud bouillant. J’ai tout donné, ’ai même ait un rappel. Camille a voulu rester dans le public pour regarder le concert. Elle aime pas être dans les coulisses. Elle dit qu’on entend rien et qu’on est pas dans l’ambiance. C’est pas aux. En général, elle se met à côté d’Ayoub à la régie son, mais il y avait tellement de people que ’ai pas réussi à la repérer depuis la scène. Elle devrait être là, d’ailleurs, parce qu’elle re oint tou ours les loges un peu avant la in du concert pour éviter le mouvement des gens qui partent. Et aussi parce qu’elle sait que ’aime bien la retrouver en sortant de scène.
Moussa arrête pas de m’appeler sur mon portable. Il me saoule. Je continue d’écouter Antoine me débiter ses conneries quand e vois Mouss entrer dans la loge, tout essou lé. Je crois que ’ai amais vu ce gars courir de ma vie. Il se passe un truc. C’est sûr et certain.
– Putain Mike ! J’arrête pas de t’appeler !
– J’ai vu, y’a quoi ?
– C’est Camille…
Je lippe direct. Il reprend son sou le. Et il y a dix milliards de trucs qui me passent dans la tête en deux secondes.
– Quoi Camille ? Accouche, bordel !
– Jalil…
Il reprend à nouveau son sou le. J’ai envie de le secouer pour que les mots sortent plus vite de sa bouche. Entendre dans la même phrase « Camille » et « Jalil » me met au taquet de la rage.
– Je les ai vus partir tous les deux de la salle. Elle avait l’air complètement raide…
– Camille ? Raide ?
– Ouais, e sais pas… Elle marchait mais il la portait à moitié. – Pourquoi tu les as pas arrêtés, putain ?
– Parce que e voulais te prévenir, tiens ! Mais tu répondais pas. J’ai couru le plus vite possible, y’a même pas cinq minutes qu’ils sont partis.
Je suis dé à dans le couloir pour re oindre la salle. Moussa, à bout de sou le, essaie de me suivre.
– Putain ! Je te ure, Moussa, que s’il la touche, e le bute.
Je sors de la salle et e cours vers le parking. C’est mal éclairé mais e repère la caisse de cet enculé de Jalil. Je m’approche et e les vois tous les deux sur la banquette arrière.
Camille a l’air endormie et il est sur elle avec ses sales pattes sous son tee-shirt. Je me vois ouvrir la portière et sortir cette en lure par le col de sa chemise. Je me vois en train de lui outre mon poing dans sa gueule de ils de pute. Ça le couche direct. Je le prends par les ti s et e lui explose la tronche sur le trottoir. Il est tellement surpris qu’il se dé end pas.
– Arrête putain ! Mike ! Tu vas le tuer ! Arrête !
J’en ai rien à outre. J’entends Moussa mais ses mots n’arrivent pas usqu’à mon cerveau. Je pense qu’à mettre sa race à cette en lure.
– Mike…
C’est la voix toute aible de Camille et ça me sort de ma transe. Elle est assise sur la banquette et se tient à la porte ouverte.
Je lâche Jalil et e prends le visage de Camille entre mes mains. Je lui ous plein de sang sur ses oues toutes pâles. J’avais pas vu l’état de mes mains. Je les essuie sur mon ean. Ça me ait tellement mal, de la voir comme ça.
– Qu’est-ce qui s’est passé, putain ?
Elle a pas le temps de me répondre et tourne de l’œil. Je suis sûr que cet en oiré lui a ilé un truc. Je lui tape sur les oues mais elle se réveille pas. J’ai la gerbe. Je panique.
Je laisse Camille sur la banquette et e me retourne vers l’autre en oiré qui s’est assis sur le trottoir.
– Qu’est-ce que tu lui as ilé, putain ?
Il se marre, avec sa gueule pleine de sang. Il en redemande, le gars.
Moussa se out entre lui et moi.
– Mike, laisse tomber ! Faut amener ta meu à l’hôpital, là. On s’occupera de lui plus tard.
Il a raison.
– Va chercher les clés de Mehdi et grouille !
Je prends Camille dans mes bras et e la porte usqu’à la caisse de Mehdi. Elle est si légère, putain. Si ragile. Je supporte pas toute cette merde.
Mehdi arrive en courant. Il se met au volant et Moussa s’assoit côté passager.
J’ai la tête de Camille sur les cuisses et e lui caresse les cheveux en lui parlant. Elle se réveille pas. Putain, je flippe. J’ai amais eu aussi peur. J’entends Mehdi et Mouss qui se chau ent à moitié parce qu’ils ne savent pas où aller. Je les engueule. Je leur hurle qu’elle se réveille pas et qu’il aut qu’ils se magnent.
Moussa init par demander à a e l’hôpital le plus proche.
Lariboisière. C’est pas trop loin de la salle. Mehdi bombarde, cent cinquante sur le périph. On a pas mis longtemps pour y arriver. Quand les portes vitrées s’ouvrent, ’imagine bien ce que les gens doivent se dire en nous voyant arriver. J’ai plein de sang sur moi et e porte une ille qu’a l’air d’avoir rien à outre avec nous. En plus, e lui ai collé du sang partout, sur son tee-shirt blanc, sur son visage et ses cheveux. Je gueule qu’il nous aut de l’aide.
Une in irmière se précipite vers nous. Elle doit avoir une cinquantaine d’années. Avec sa coupe au carré, ses petites lunettes, elle a un truc rassurant. On voit que c’est une daronne. C’est con, mais ça me calme un peu.
– Qu’est-ce qui se passe ? Vous ave eu un accident ?
– Nan ! Quelqu’un lui a donné un truc, e sais pas quoi… Elle se réveille pas.
– Elle est blessée ?
– Nan, e crois pas. C’est moi qui lui ai mis du sang partout. – C’est votre petite amie ?
– Oui.
Elle court avec ses sabots en plastique vers une meu derrière une vitre. Dix secondes plus tard, deux mecs arrivent avec un brancard. Ils posent Camille dessus. Elle bouge un peu mais elle se réveille pas. L’in irmière me dit de la suivre.
– On va vous soigner les mains, vous ave besoin de passer une radio.
– C’est elle qui va pas ! Faut s’occuper d’elle.
– C’est ce qu’on est en train de aire, monsieur. Mon collègue s’occupe d’elle mais votre main est tout en lée.
– Nan, y’a pas moyen, e reste avec elle.
Elle sait que c’est pas la peine d’insister.
– Bon, suive -moi. On va lui aire une prise de sang pour savoir ce qu’elle a ingéré. Je vais au moins vous nettoyer les mains pendant ce temps-là.
L’in irmière me conduit dans une petite salle. Camille est allongée au milieu de la pièce et y’a une meu qui est en train de lui prendre du sang avec une seringue et de remplir plein de petits tubes. Comment on en est arrivés là ?
– Asseye -vous là. Sur la chaise, s’il vous plaît.
Elle ouvre des tiroirs et en sort des compresses et un lacon de désin ectant. Elle me nettoie les mains et ça me ait un mal de chien. La droite surtout. Je m’en ous, e veux uste que Camille se réveille. – Votre main est cassée, e pense. Vous vous êtes ait ça comment ?
– J’ai cogné l’en oiré qui l’a mise dans cet état.
– Il va alloir que ’appelle la police. On est obligés dans ce genre de cas, vous comprene ?
– Oui, e comprends. Elle peut pas mourir, hein ?
Elle me scrute. Je vois qu’elle se demande si c’est pas moi qui l’ai droguée. Mais elle décide que c’est pas moi, e crois.
– Non. Son cœur bat normalement. Elle est dans un sommeil pro ond. Elle a dû avaler du GHB. Mais une bonne dose. Les e ets durent environ une heure. Il aut attendre un peu, mais elle va se réveiller, ne vous inquiéte pas.
L’en oiré ! Je sais ce que c’est, le GHB. C’est la drogue des violeurs. Je vais le buter ! Je pense qu’à ça. J’aurais dû le inir sur le
trottoir. Il a amais pu me blairer, et moi non plus, mais e pensais pas qu’il s’en prendrait à Camille. Qu’il erait un truc pareil. Pour moi, c’était uste un blaireau ino ensi .
L’in irmière sort, e reste à côté de Camille à la regarder. Ce qu’elle est belle, ma meu .
L’in irmière revient un quart d’heure plus tard.
– C’est bien du GHB. On a averti la police, ils arrivent.
– OK.
Camille gigote un peu. Elle ait des petits couinements. On dirait un animal blessé. Ça me transperce.
– Y’a quelqu’un à prévenir, peut-être ? Ses parents ? Un rère ? Une sœur ?
– Ouais, e vais appeler ses parents.
Je les connais pas, ses parents. Ça ait six mois qu’on sort ensemble et e leur ai amais parlé. J’ai retardé au maximum les présentations, comme un gros con que e suis. Je prends le téléphone de Camille dans son sac. Évidemment, il y a un code et e le connais pas. Avec un peu de chance, elle l’a verrouillé avec son empreinte digitale. Je prends son pouce et l’appuie sur le bouton du téléphone. Ça me ait vraiment chelou de aire ça alors qu’elle est inconsciente mais c’est le seul moyen pour avoir le numéro. Je le trouve dans ses avoris. Je vais dans le hall pour les appeler.
Moussa et Mehdi sont tou ours là, à m’attendre assis à l’accueil. Mehdi se lève direct quand il me voit.
– Alors, comment elle va ?
– L’en oiré lui a ilé du GHB. Mais elle va se réveiller.
– J’y crois pas ! Il est complètement niqué, ce mec.
– Putain, e suis désolé Mike, ’aurais dû aire plus ga e à elle.
– C’est pas de ta aute, Moussa, c’est lui l’enculé dans l’histoire et e le sais très bien ! Il va payer. Faut que ’appelle les parents de
Cam. Je les connais même pas, t’imagines ce qu’ils vont penser de moi ?
C’est la misère, mais aut que e le asse.
Je sélectionne le numéro « maison » et ’appuie sur « appeler ». Il est deux heures du mat.
J’entends à l’autre bout du combiné la voix d’un homme tout endormi.
– Allô ?
– Monsieur Mayer ?
– Oui, qui est-ce ?
J’entends une voix de emme derrière qui demande ce qui se passe.
– Je suis Mickael, le copain de Camille.
Il parle à sa emme.
– C’est le copain de Camille !
– Je… Elle est à l’hôpital.
– Quoi ? Mais qu’est-ce qui s’est passé ? C’est grave ?
Il continue à parler en même temps à sa emme qui le harcèle sûrement de questions.
– Elle a été droguée pendant la soirée et elle a perdu connaissance et…
– Quel hôpital ?
– Lariboisière.
– On arrive.
Il raccroche.
CAMILLE
J’ouvre les yeux et e ne sais pas où e suis. Mike est là. Mani estement, on est à l’hôpital. J’ai la nausée.
– Mike ?
– Putain ! J’ai cru que t’allais amais te réveiller !
– Qu’est-ce que… Qu’est-ce qu’on out à l’hosto ? T’es blessé ! – Non, ça va. Tu te souviens pas ?
– On a eu un accident ?
C’est vraiment le trou noir. Je me souviens uste du concert de Mike. Du monde, de la salle. Et plus rien.
– Jalil ! Il t’a droguée et il a essayé de te violer, l’en oiré. – Quoi ? C’est qui, Jalil ?
Je ne comprends rien à ce que Mike est en train de me dire. Puis, e tilte. Je me souviens d’un de ses potes qui m’o re un verre et de m’être sentie atiguée d’un coup.
– Heureusement que Moussa vous a vus partir et qu’il m’a prévenu, sinon e ne sais pas ce qui se serait passé. Je vais le buter, e te ure…
– Mais pourquoi t’es plein de sang ?
– Je l’ai démonté. Quand e l’ai vu sur toi, e te ure…
– Mike, ça ait trop d’in os là, e comprends rien.
– Excuse-moi. Tu te souviens vraiment de rien ?
Je ais signe de la tête que non. Il m’embrasse sur le ront et se dirige vers la porte.
– J’arrive, e vais appeler l’in irmière. Elle m’a dit de la prévenir dès que tu serais réveillée.
Je suis sonnée.
MIKE
J’ai mis un petit moment avant de retrouver l’in irmière et quand e reviens avec elle dans la salle, les parents de Camille sont là. Direct, e sais que ça va pas le aire. Pour eux, e suis le responsable. Je sais qu’elle leur a pas mal parlé de moi. Ils savent ce que e ais, d’où e viens. Ils doivent se souvenir de la ois où e les ai plantés au resto pour l’anniv de Camille. Et c’est sûr, ils se disent que si leur ille est à l’hôpital, c’est à cause de moi. Ils sont polis. Ils me disent bon our. Son daron me serre la main. Camille ressemble grave à sa mère. Elles ont la même tête, c’est dingue.
Je sais pas comment me placer. Je reste là, comme un bou on, les mains dans les poches de mon ean. J’ai même pas le ré lexe d’aller vers Camille. Ils sont là, avec elle, et moi ’ai pas ma place dans l’histoire. Ils me demandent ce qui s’est passé. Je leur raconte. Ils me regardent avec des yeux e arés. C’est pas leur monde, toutes ces conneries. Ils comprennent pas. Camille les rassure. Elle est dégoûtée que e les rencontre dans cette situation. Moi aussi, ’ai la haine. J’ai l’impression que notre histoire va pas se remettre de toute cette merde. Son père me déteste, e le vois dans son regard.
L’in irmière nous demande de sortir. Ils vont lui aire des examens. Des trucs intimes, ’imagine. Ils vont véri ier que l’autre
en lure l’a pas violée. C’est l’horreur. Je crois vraiment que e vais gerber. Je leur ai dit, pourtant, à l’hosto que ’étais arrivé à temps mais c’est un truc légal, aut qu’ils véri ient.
Je me retrouve avec ses parents dans le couloir. Sa mère se rapproche de moi.
– Il ne lui a rien ait, hein ?
– Non madame, e suis arrivé à temps, e vous ure.
– Pourquoi elle était toute seule avec ce salopard ? Elle était sous votre responsabilité !
Son père est urax. Il se contient mais il a envie de me péter la gueule, e le sais. Je manque de lui répondre qu’elle est plus âgée que moi et que c’est quand même une grande ille mais e me ravise. Je sais qu’il a raison. Camille, c’est ma emme, c’est à moi de la protéger.
– Je sais…
Sa mère me parle plus gentiment mais e suis pas sûr que ce soit bon signe.
– Vous vous rende compte qu’elle a son concours dans deux semaines ? Ça va la perturber, cette histoire, elle est hypersensible. Ça ait des mois qu’elle se prépare ! Avec sa hanche, ça a été tellement dur pour elle…
– Oui, e sais…
– Vous save , mais vous l’ave laissée toute seule avec ce salopard !
– J’étais dans les loges avec les mecs de la maison de disques, elle m’attendait dans la salle. Je pouvais pas devi…
Et e inis pas ma phrase. Ils ont raison. Tout ça, c’est de ma aute. Jalil est complètement taré et il me déteste. J’ai vu qu’il était là ce soir. J’aurais pu dire à Moussa de garder un œil sur elle pour pas qu’il l’emmerde. Je pouvais pas imaginer qu’il erait un truc
pareil mais qu’il essaie de l’emmerder, de lui raconter des conneries sur moi, ça ’aurais pu le prévoir.
– Vous ave raison…
Et e me casse comme un gros lâche que e suis. Je laisse Camille avec ses parents. Elle sera mieux sans moi. Je re oins Moussa et Mehdi à l’accueil. Les lics sont avec eux. Ils nous interrogent rapide et nous convoquent au commissariat pour le lendemain. On se barre. Je dégueule mes tripes dès que ’ai passé la porte de l’hôpital. J’ai pas dit au revoir à Camille.
16
CAMILLE
Je suis passée au maquillage, ond de teint, aux cils. Au coi age, crêpage, chignon. Pas trop haut, le chignon. Pas trop bas non plus. Je me suis échau ée dans le oyer. J’ai mis à peu près deux heures à choisir les bonnes pointes. Ni trop dures, ni trop souples. J’ai mis les pansements ronds en mousse qu’Élise m’a rapportés du Japon sur mes ampoules. Mes guêtres sur les chevilles, e gigote pour pas me re roidir avant d’entrer sur scène.
Je regarde Mathilde, qui passe uste avant moi, inir son enchaînement de Paquita. C’est une variation imposée. Nous devons toutes aire la même. Il y a un passage très di icile avec pirouettes arabesques, double tour attitude et double tour en dehors. Mathilde est sublime et ne ait aucune erreur. Je suis contente pour elle mais ça me met encore plus la pression. J’ai le cœur qui bat si ort que ’ai l’impression qu’il va sortir de ma poitrine. J’entends les applaudissements du public. Ça veut dire que c’est à moi. J’ai la nausée.
Rodrigue a ses mains posées sur mes trapè es et me glisse à l’oreille :
– Respire, Camille ! Tout va bien se passer.
J’entends mon nom. Juste avant de rentrer sur scène, e trempe mes pointes dans le bac de colophane pour ne pas glisser. Je me présente ace au ury et à la salle. Je salue et e prends ma position de départ. Le pianiste démarre. Je ne pense plus. Je laisse mon corps me guider. J’ai tellement répété cette chorégraphie que c’est devenu un automatisme. La di érence entre les danseuses se era par un supplément d’âme. Je repense à ce que m’a dit Mike un our : « On s’en out complet que ce soit par ait, Camille, il aut qu’il y ait de l’émotion, que ce soit ort. Si tu leur colles les rissons, tu l’auras, ton concours, crois-moi, même avec des erreurs. » Je danse pour lui, en pensant à lui, en aisant abstraction du regard des gens autour. Juste avant de me lancer, ’avais encore la hanche qui tirait, mais dès que la musique a commencé, la douleur s’est envolée. C’est la magie de la scène. Le ury, Rodrigue, les autres candidats, mes parents, le public, e les oublie tous. Les applaudissements me sortent de ma bulle. C’est dé à ini. Les quatre minutes ont ilé à la vitesse de l’éclair.
– Merci, mademoiselle.
Je re oins Rodrigue en coulisse et laisse la place à la danseuse suivante.
– Bravo Camille ! C’était très bien.
– C’est vrai ?
– Oui, mais ile dans les loges. Il aut te reconcentrer pour le libre.
Depuis que Mike m’a quittée, e n’ai ait que danser et dormir. Un peu manger aussi, mais pas trop. Je me suis complètement consacrée à la danse. J’ai vécu en ermite mais ça a porté ses ruits, e crois.
Je ne regarde pas les autres danseuses qui passent après moi. On est dou e à auditionner pour le concours dans la classe des
coryphées alors que, comme l’avait pressenti Élise, il n’y a que deux places de su ets à pourvoir. Je suis quatrième dans l’ordre de passage. Je croise d’autres illes de la compagnie qui me élicitent pour mon imposé. Je ne tiens pas trop à discuter alors ’esquive poliment et ile dans la loge. Je me plonge dans mon bouquin, Le Restaurant de l’amour retrouvé, en attendant que les autres illes aient ini. Ce livre, c’est ma mère qui me l’a o ert après que Mike m’a laissé tomber. Elle me l’a tendu en me disant : « Tu verras, le goût de la vie init tou ours par revenir. »
Quand est arrivé le moment de ma variation libre, e me suis bi arrement sentie beaucoup moins stressée. J’avais choisi Carmen , la variation de la Taverne. J’ai volé, portée par la musique, e me suis sentie luide, légère. Un peu sensuelle, même.
Il n’y a que mes parents qui sont venus me voir passer mon audition. Fanny a décommandé au dernier moment et ma grand- mère a eu un mauvais rhume. Je n’aime pas quand il y a trop de monde de toute açon. Mike avait une invitation pour venir me voir, que e lui avais donnée avant toute cette histoire. Je ne pense pas qu’il soit là. Je l’aurais senti, c’est sûr. Et il m’a clairement dit que nous deux, c’était ini.
Je ile dans les vestiaires pour me changer rapidement et retrouver mes parents à la sortie. On a prévu de se aire un petit resto après pour êter ça, quel que soit le résultat. Ils sont inquiets pour moi. Ils veulent me changer les idées. La seule chose qui me changerait les idées, ce serait que Mike m’appelle.
La semaine dernière, e n’ai pas pu m’empêcher de regarder sa dernière vidéo sur YouTube. Son album doit sortir dans quelques mois. Ils ont lancé un premier morceau avec un clip. Il cartonne. Il a 94 451 623 vues. Il m’avait ait écouter ses maquettes mais pas ce titre, e m’en serais souvenue. Les textes sont violents mais drôles à
la ois, pro onds et grossiers, évidemment. Mike. Il s’est rasé la tête. Pas à blanc, mais très court. Il paraît que les souvenirs dorment dans les cheveux, alors ce n’est sûrement pas un hasard. Ça lui donne un air plus dur. J’aimais bien ses cheveux longs mais e le trouve tou ours aussi beau. Je l’aime vraiment. Je sais qu’il m’a plantée à l’hôpital parce qu’il pense qu’il n’est pas digne de moi, que ce qui est arrivé, c’est de sa aute. Mais ce n’est pas le cas. Je suis une grande ille. J’aurais dû me mé ier de ce sale type. J’ai bien senti qu’il n’était pas super net. J’ai rappelé Mike plusieurs ois les ours qui ont suivi cette histoire. Le ait qu’il ait ui de l’hôpital sans même me dire au revoir et qu’il ne réponde pas à mes appels m’a anéantie. Je ne savais pas quoi penser. Toutes les hypothèses me sont passées par la tête. J’avais peur qu’il ait eu des problèmes avec la police parce que e savais qu’il risquait de aire vraiment de la prison s’il était impliqué dans une nouvelle histoire de violence. Si Jalil portait plainte, ce serait outu. J’ai même pensé qu’il m’en voulait parce qu’il s’était imaginé que e m’étais laissée aire par ce mec ou que ’avais vraiment couché avec lui. Il a ini par me répondre trois ours après et il a été tellement dur. Il m’a dit qu’il ne voulait plus être avec moi. Que ’étais une source de problèmes pour lui et que e l’empêchais de se concentrer sur l’essentiel, son rap. C’est un tissu de conneries. Je sais qu’au ond, il a des sentiments pour moi mais ses mots m’ont ait vraiment mal. Je n’ai pas pu chercher plus loin. Je l’ai laissé me quitter.
MIKE
Elle a pas porté plainte contre Jalil, inalement. Juste une main courante. Elle aurait pu le aire en ermer, cet en oiré. Y’avait trois témoins et les prises de sang qui prouvaient qu’elle avait été droguée. On a tout déballé aux lics avec les gars. Et c’est pas notre genre, de parler aux condés. Elle l’a laissé s’en sortir. Ça me débecte que ce mec-là soit en liberté après ce qu’il lui a ait. Quand le père de cette en lure a eu vent de l’histoire, il l’a mis dans un bateau direct pour le bled. Dommage parce qu’avec Skeem, on était chauds pour lui aire bou er ses couilles. On avait dé à imaginé lui aire aire un petit tour dans le co re arrière de la caisse d’un pote et l’abandonner à poil sur un parking. Juste pour lui apprendre un peu les bonnes manières.
En in, c’est peut-être mieux comme ça parce que e crois que ’aurais pu le buter. Vraiment. Si Camille m’avait pas sorti de ma transe, sur le parking ce soir-là, e crois que le mec serait dead au ourd’hui. Et moi en taule.
Ce qui me rend dingue, c’est que e sais qu’elle a pas porté plainte à cause de moi. Juste parce qu’elle voulait pas qu’il s’en prenne à moi ou que l’a aire inisse au tribunal parce que ’ai dé à un casier. Après le mec des assurances et le mec du hall, e l’avais
ait e acer, pile à mes dix-huit ans. J’étais presque tout neu sau que ’étais tou ours enregistré dans le ichier de la police. Pas de pot pour moi, seulement quelques semaines après, e me suis ait serrer dans une baston à Vitry après un concert. Un plan bidon entre des mecs de Vitry et des mecs de che nous. Passage devant la uge. Amende. Et petit rappel à l’ordre : « La prochaine ois, ce sera la case prison, monsieur Karavic. » Alors que, sans déconner, ’avais rien ait. C’est plutôt moi qui m’en suis pris plein la gueule ce soir-là.
J’ai ait l’erreur de raconter mon passé udiciaire à Camille. Je trouvais ça honnête qu’elle sache, mais maintenant e regrette de lui avoir tout balancé.
Jalil, putain ! Ce mec est asse barge pour être resté scotché sur cette histoire de meu qu’il ki ait au collège ! Je vois pas d’autre explication logique à ce qu’il a ait. Dans son cerveau de taré, il a dû se dire : « Il m’a pris ma meu , e lui prends la sienne. » Je pense souvent à ce qui se serait passé si Moussa était pas venu me chercher à temps. Ça me réveille en pleine nuit et ’arrive plus à me
rendormir alors, e ume un max de eed pour m’aider. Je me
demande si elle arrive à trouver le sommeil de son côté. Si tout ça ne l’a pas trop traumatisée.
Je crève d’envie de la revoir. Elle me manque ! Mais e peux pas. Je la revois sur cette putain de banquette arrière avec cet en oiré sur elle. Je revois le regard de son daron à l’hosto. Il captait pas ce qu’elle outait avec un type comme moi. Et e comprends. Elle a rien à outre avec moi. C’est comme e le dis dans mes textes, quand tu viens des quartiers, tu te mélanges pas acilement au reste du monde. Tu restes avec tes gens. C’est pas aussi acile que dans Mario, de passer d’un monde à l’autre.
Je sais même pas si elle a réussi son concours. J’ai pas eu les couilles d’y aller. Je m’étais préparé et tout mais une ois devant
l’Opéra, ’ai pas pu. J’ai eu les etons de croiser ses parents, mais surtout qu’elle me voie et que ça la asse oirer. J’ai pas non plus demandé de ne s à Sylvain. Je l’ai tellement salement larguée après cette histoire que e peux pas poser de question. J’ai pas le droit. Je reste dans mon rôle de bâtard. C’est mieux comme ça, qu’elle me déteste. C’est mieux.
J’ai remis ça avec Coralie parce que c’était acile et que e voulais plus penser à Camille.
Je umais une clope en bas, assis sur le petit muret devant le hall. Je pré ère descendre quand ma daronne est là parce qu’elle me saoule sur la clope si e ume sur le balcon. Elle dit que c’est ça qu’a tué mon père. La cigarette. Ça lui a bouché toutes ses artères sans qu’on s’en aperçoive. Et clac, AVC.
Je ume là, aussi parce que c’est un point de rende -vous avec les gars mais cette ois, ’étais tout seul. Il était encore tôt. Et c’est le moment qu’a choisi Coralie pour se radiner.
– Tiens ! Un Mike qui squatte là ! Ça ait longtemps que e t’ai pas vu dans le coin.
– Qu’est-ce que tu viens traîner devant le B, toi ?
– Je vais voir Tina, cette question ! T’es pas avec ta princesse ? – Nan.
– Oh ? Vous êtes plus ensemble ?
– Nan…
– Ah, tiens ? T’es plus asse bien pour elle ?
– Fais pas chier, Coralie !
Elle a posé son cul sur le muret à côté de moi. Y’a la vieille Paki du premier qu’a ouvert sa enêtre pour rien rater du spectacle. Elle s’en cache pas. Ça la distrait. C’est comme la téloche, quoi. Coralie, elle s’en branlait complet que la vioque nous espionne, elle a continué.
– T’es triste ?
– Nan.
– T’as l’air, pourtant…
Elle m’a donné un petit coup d’épaule.
– Parce que e suis là, moi, e veux dire. Je serai tou ours là pour toi. Si t’as besoin de parler ou… e sais pas.
Elle m’a souri et e savais très bien qu’elle voulait parler du cul. – Tu sais pas ?
– Je veux dire, e suis là, quoi.
J’ai pas répondu et on est restés un petit temps comme ça, assis l’un à côté de l’autre à regarder droit devant nous sans se dire un mot.
– Pourquoi t’es sympa avec moi comme ça ? On peut pas dire que, de mon côté, ’aie été très gentil avec toi…
– Tu sais pas pourquoi, Mike ? Franchement ?
– J’ai une petite idée…
– Alors, pose pas la question.
Elle m’a invité à boire une bière che elle. Je me suis assis sur son canap comme chaque ois que ’allais che elle, avant Camille. Elle a décapsulé une Heineken de son daron pour moi et s’est servi un verre de Coca Zéro.
– Je ais attention à ma ligne. Tu trouves pas que ’ai pris du cul ? Elle me dit ça en me montrant ses esses moulées dans son skinny. Elle a un sacré cul, aut avouer.
– T’as tout ce qu’il aut où il aut et tu le sais très bien.
Camille, elle est vraiment complexée. Coralie, elle ait semblant pour attirer l’attention sur son corps ustement. Elle s’est assise à côté de moi.
– Tu m’as manqué, Mike.
Elle m’a embrassé. On a baisé. C’était simple. Une bonne vieille habitude retrouvée.
Coralie, elle me saoule en vérité. En dehors de la baise, on partage rien, ’ai rien à lui dire. Une ois, elle m’a parlé qu’elle avait vu Camille et qu’elle la trouvait pas si olie que ça. J’ai pas pu me retenir de lui balancer que Camille, elle la valait mille ois et que c’était la dernière ois qu’elle me parlait d’elle. Et ce qu’est ou avec Coralie, c’est que plus e suis chien avec elle, plus elle en redemande. On ait rien ensemble, e ais uste que la sauter mais ça lui va. Je lui ais rien croire, e suis plutôt cash mais elle est OK.
Je l’ai ramenée une ois au studio parce que ses parents étaient che elle alors qu’ils sont amais là d’habitude. Fallait bien trouver un endroit. Sylvain était là et il a vraiment ait la tronche. Dé à que la veille, il m’avait ait des remarques sur la dé once. Que, soi- disant, il m’avait pas vu clair depuis longtemps. Qu’il aille se aire outre, à me uger. Ce qu’il sait pas, c’est que chaque ois que e pose mes mains sur Coralie, c’est à la peau blanche de Camille que e pense. À ses petits seins, à son ventre musclé, à sa taille ine entre mes mains. Quand ses reins se creusaient sous mes caresses.
J’ai écrit un texte la semaine dernière sur elle. Je me suis pas dit « Je vais lui écrire une chanson » ou quoi ! Non, c’est venu comme ça sur une instru bien deep de Skeem. Je l’ai ait écouter à Mehdi. Il m’a dit que c’était de la balle et qu’il allait absolument que le titre soit sur l’album. Je sais pas encore.