– C’est pas ça mais e te vois tout emballée… C’est la première ois que t’es au taquet comme ça et le mec, OK il est beau gosse, un peu genre caïd sur les bords, tout ce que tu veux, mais vous êtes quand même vachement di érents. Et puis, c’est un gamin…
– Fanny…
– OK ! OK ! J’en parle à Sylvain, l’air de rien. Maintenant, aut qu’il vienne et ça, c’est une autre histoire…
Il est une heure du mat, e suis atiguée, ’ai mal partout. J’ai une ournée de danse intense dans les pattes. J’en suis à deux mo itos. Et ’ai l’impression que ça commence seulement à détendre un peu mes muscles. Le barman me draguouille et e suis dé à trop alcoolisée pour pouvoir me lever de mon tabouret sans m’étaler lamentablement. J’ai eu la bonne idée de mettre des talons. Mike n’est pas là. Il ne viendra pas.
– Il est pas encore arrivé ?
– Nan. Je vais y aller. Il viendra pas et e suis crevée.
– Désolée que le plan n’ait pas marché… Pourtant, ’ai bien dit à Sylvain d’insister pour qu’il vienne et de lui glisser que tu serais là.
– Fallait s’en douter… Je devais uste être une meu de plus sur la liste. Basta.
– Oh ! Fais pas cette tête toute triste ! Il a peut-être uste eu un truc de dernière minute qui l’a empêché de venir… Quoique.
Fanny se penche vers moi pour me parler à l’oreille.
– Ne te retourne pas mais ton prince charmant vient uste d’arriver.
Je me retourne. Normal. À chaque ois que quelqu’un dit « ne te retourne pas », le premier ré lexe qu’on a, c’est de se retourner.
Il est là avec sa tribu. Évidemment, il ne pouvait pas venir seul. Ces mecs se déplacent tou ours en banc, comme les poissons.
Quand il me voit, il me ait uste un petit signe de tête et s’installe dans un coin avec ses potes.
– Super. Je crois que, clairement, il est pas venu pour moi.
– Attends, il est là, c’est dé à ça… et il t’a captée alors que c’est blindé.
– OK, e reprends un dernier mo ito mais s’il vient pas me parler dans les quin e minutes, e me barre.
– Je serais pas tranquille de te laisser partir toute seule. T’as l’air un peu…
– Quoi ? C’est bon hein ! Je suis une grande ille.
– Une grande ille toute bourrée.
Je m’adresse au barman avec un volume sonore plus élevé que ce que e voulais mais à cause de la musique électro à blinde, on est un peu obligés de hurler.
– Un autre mo ito, Fred !
Fanny a ine ma commande.
– Pas trop costaud, le mo ito, Fred. Elle est dé à bien gaie. Elle ne boit pas souvent…
– Pas de souci ! Je veille sur elle.
– Ah, e vois… Bon, Camille, e dois iler dans les loges, e reprends les platines dans dix minutes.
– OK, t’inquiète. Je suis entre de bonnes mains. Et désolée, e te l’ai pas dit, mais c’était hyper bien, ton premier set !
Mike et ses potes se sont installés dans un petit coin avec canapés en cuir noir, tables basses et vodka. Je les vois par aitement dans le grand miroir qui me ait ace, derrière le bar. Ils sont dans mon angle de mire. En les observant, e me dis qu’heureusement, ils étaient sur invits. Je suis pas sûre qu’on les aurait laissés entrer avec leur allure de lascars.
Environ une demi-heure plus tard, e vois qu’un de leurs potes ramène des illes à leur table. J’avais dit quin e minutes mais le temps passe vite. Le barman est de plus en plus entreprenant. Et ’avoue minauder un peu pour voir si ça ait réagir Mike. Mais ’ai plutôt l’impression qu’il s’en cogne total. Il discute avec une brune super vulgaire. Elle est moche. En in, elle est belle mais elle est moche. Beaucoup trop de maquillage, beaucoup trop de bi oux. Et une robe rouge plus qu’indécente. Elle est pas classe du tout mais elle risque ort d’être son genre. Il lui parle à l’oreille et elle rigole comme une conne. Trop c’est trop. Je plante le barman et ’arrive miraculeusement à descendre de mon tabouret et à me diriger vers les escaliers rouges avec presque toute ma dignité. La tête me tourne et e tangue un peu.
Il y a beaucoup trop de marches à grimper pour une ille aussi peu habituée à boire et qui a bu. Je ais une pause au premier palier. Au sol il y a des espèces de moti s noirs et blancs qui me ont penser aux yeux de Kaa dans Le Livre de la jungle. Ça me ait tourner encore plus la tête. Je respire un bon coup et attaque la deuxième partie de l’ascension de ce putain d’escalier qui doit avoir quarante mille marches. J’arrive en in dans le petit hall et e sens l’air rais du soir caresser mes oues en eu. Une voix me parvient uste derrière moi. Presque à mon oreille. C’est lui. Merde, il a dû me voir galérer. La honte !
– Tu t’en vas ?
– Exact. Bon sens de l’observation.
– Tu veux pas rester encore un peu ? – Nan, e suis atiguée et ’ai trop bu ! – T’es sûre ?
– Ouais.
– OK.
Il ait demi-tour vers la salle. Merde !
– Mike ? Tu peux me raccompagner ? Je suis à cinq minutes à pied mais e serais plus tranquille. T’en auras pas pour longtemps. Avec la contremarque, tu peux rerentrer…
– OK !
Il ne dit pas grand-chose sur le chemin. Il s’allume une clope et tire dessus en silence. J’essaie de garder une allure correcte mais avec les talons et l’alcool, e ne suis pas certaine de aire illusion.
– Ça va ton album, ça avance ?
– Tranquille. Et toi, ton ballet ? Ça s’est bien passé ?
– Ouais, super bien. Ça me ait plaisir que tu t’en souviennes.
Il ne dit plus rien, usqu’à ce qu’on arrive au pied de mon immeuble.
– C’est ici che moi.
J’ai tellement envie qu’il m’embrasse que e reste là comme une conne en attendant qu’il asse quelque chose. Il a dû comprendre parce qu’il s’approche tout près de moi en me coinçant dans l’angle de la porte cochère et du mur. Il m’embrasse. Sa langue a le goût de la bière. La mienne, le par um du mo ito. Mélange curieux mais divin.
– Ils sont là, tes parents ?
– Non.
– On monte, alors ?
Je ais un signe de tête pour dire oui. Il me suit. Je l’emmène directement dans ma chambre. Je m’allonge sur le lit, ce qui ne manque pas de me aire à nouveau tourner la tête, et il s’assoit sur un coin de mon bureau. Je tapote ma couette.
– Tu viens pas à côté de moi ? – Je sais pas, t’as l’air un peu… – Un peu quoi ?
– Bourrée. Je baise pas les meu s bourrées.
Je ne peux pas m’empêcher de me moquer de lui en prenant une voix grave pour l’imiter.
– « Je baise pas les meu s bourrées. »
– Ah ouais, genre tu te ous de ma gueule ouvertement.
– C’est pas ma aute monsieur, c’est l’alcool…
– OK. Je t’accorde les circonstances atténuantes…
– Mais tu sais, e suis pas si bourrée que ça non plus… Regarde, e suis tout à ait consciente !
– Même, ça se ait pas…
– T’es un gentleman, en ait !
– Voilà !
– On ait quoi, alors ?
– On attend que ça redescende…
– Ah ? Et ça va être long, tu crois ?
– Pas si tu manges… Ils reviennent quand, tes parents ?
– Dimanche soir…
– Je vais te aire des pâtes.
– T’es sérieux, là ?
– C’est où la cuisine ?
– Je t’accompagne.
Il a raison, e suis ivre. C’est devenu très clair quand e suis passée de la position allongée à debout. Tout s’est mis à tanguer sérieusement.
Le voir dans ma cuisine en train de chercher les casseroles, les pâtes, de ouiller dans mon rigo, c’est un spectacle incongru. Je n’arrête pas de ricaner comme une conne.
– Arrête de rire bêtement.
– OK, che .
– Mets plutôt le minuteur pour six minutes.
– C’est parti ! Ah ben non, ça démarre pas…
Et e pou e à nouveau comme une débile.
– Mais t’as bu quoi ?
– Trois mo itos.
– Et ça su it à te mettre dans cet état…
– J’ai pas l’habitude de boire.
– T’avais l’air de bien t’entendre avec le barman, c’est pour ça que tu t’es lâchée ?
– Peut-être que oui, peut-être que non… Il était sympa en tout cas.
Il me ette un petit regard noir.
– Tu veux me rendre aloux ?
– Tu l’es ?
– Non.
– En même temps, toi aussi t’as trouvé une copine ce soir… Il égoutte les pâtes dans l’évier et se retourne vers moi.
– De quoi tu parles ?
– Je sais pas, la brune, là, avec sa robe rouge de pétasse… T’avais l’air de bien t’entendre avec elle, toi aussi. C’était carrément ton style !
– Rien à voir, ’aime pas les illes vulgaires. Trouve-moi une assiette, s’il te plaît…
– Tu manges pas, toi ?
– Non, moi ’ai pas besoin de dessaouler…
– OK che !
Il s’est assis en ace de moi et son regard alterne entre moi qui dévore mes pâtes goulûment et son téléphone. Il m’agace avec son téléphone. Il est tout le temps dessus. Je prends le mien dans la poche arrière de mon ean pendant qu’il est occupé à aire dé iler e ne sais quoi avec son pouce sur son écran et e lui envoie un texto.
Si tu continues à pas t’occuper de moi,
e retourne voir le arman !
J’entends quasi instantanément le bip de son tél. Message reçu ! Il relève la tête et me regarde droit dans les yeux avec un sourire au coin des lèvres.
– T’es une petite marrante.
– Tu regardes quoi de si passionnant sur ton tél ?
– Insta.
– C’est plus intéressant que moi ?
– Je dirais pas ça, non. Tu vas mieux ? – Ouais… mais e suis encore un peu… – Tu veux qu’on se mate un ilm ?
– Si tu veux…
On se pose sur le canapé et on regarde un polar sur Net lix. C’est lui qui a choisi.
Quand e me réveille, c’est le générique de in. J’espère que e suis restée classe pendant mon sommeil mais ça m’étonnerait ort. Je me rapproche de lui, il passe son bras autour de mes épaules et s’engou re dans mon cou.
– Ça y est ?
– Quoi ?
– T’es plus saoule ?
– Plus du tout !
– On va dans ta chambre ?
Il est di érent de tous les garçons avec qui ’ai pu sortir. Au premier abord, il est rude mais quand il baisse un peu la garde, même uste quelques secondes, e devine quelque chose de tendre en lui. Et de drôle aussi. Ça le rend vraiment touchant. Avec les autres, ’avais l’impression de garder une certaine maîtrise. De pouvoir
maintenir une distance de sécurité, mais pas là. Il y a un truc qui se met en route dans tout mon corps à l’instant où ses yeux se posent sur moi. C’est comme la persistance rétinienne sau que là, c’est pour la peau. Comme si mon épiderme avait gardé le souvenir de ses mains. Une sorte de persistance dermique. Je ne sais pas si l’expression existe mais le phénomène si, c’est sûr.
Cette histoire me ait un peu lipper. Fanny a raison, il aut que e reste sur mes gardes, que e redescende un peu. Je ne sais presque rien de ce mec mais e suis attirée par lui comme un aimant. Et ça aussi, c’est totalement di érent d’avec les autres garçons.
MIKE
On est tous les deux dans sa chambre. Elle peut tou ours me dire que c’est pas une bourge, quand e vois où elle vit, e peux a irmer que c’en est une vraie. Dé à le quartier. Elle habite rue d’Hauteville dans le Xe. Un beau quartier de bobo à la con. Leur appart est pas super grand, OK, mais aut voir le truc, avec des moulures au pla ond, du parquet, des miroirs à l’ancienne et tout le bordel. Pas de papier peint pourri.
Che moi, c’est vraiment la lose comparé à che elle, sans vouloir aire le gars qui vient du ghetto. Dans la vie et même dans mon rap, e me la oue pas trop de la street. Al ortville, même si des ois c’est chaud, c’est pas La Courneuve non plus. Et puis, ’ai tou ours habité dans les quartiers, c’est sûr, mais pas dans les tours. Plutôt à leur pied. C’est qu’à la mort de mon daron qu’on a dû venir vivre dans cette cité merdique. Moussa, c’est plus un vrai que moi. Lui, il a grandi là, dans la tour B.
Au début, ça a été tellement tendu pour ma gueule. Pas acile, l’intégration.
Je sortais pas trop de ma chambre, e aisais qu’écrire. Ce qui m’a aidé, c’est ça, c’est de aire quelque chose avec mes mots. Le rap. Bon, et d’être un gros vénère aussi, d’aimer la baston. Il a allu que
e dé once la gueule d’un mec pour gagner un peu de respect. En in, e l’ai pas ait pour ça, c’est uste que le gars m’a ait péter les plombs en parlant de mon daron. Je lui ai quand même cassé deux dents. Ce ils de chien a porté plainte, en in sa daronne. On était tous les deux mineurs. Ça m’a valu une gardave et un petit passage au tribunal. Résultat, des travaux d’intérêt général parce que c’était la deuxième ois. Mais après, ’ai eu la paix. En in, presque.
Ce qui m’a sauvé aussi, c’est Mouss. Le gars est tranquille, tout le monde l’aime bien. Il deale un peu mais à petite échelle. Pour les potes. C’est un sous-traitant de sous-traitant. Sa mère, elle se doute bien que l’argent qui rentre est pas clean, elle lui ile pas de thunes et pourtant il arrive à mettre de l’essence dans son scoot. Elle essaye de me cuisiner souvent là-dessus parce qu’elle veut pas que son ils tourne mal. Elle lui met grave la pression, surtout que Mouss a un rère qui est l’exemple de la amille. Maths sup, maths spé, école d’ingénieur. C’est une tête. J’essaie de la rassurer, sa daronne, mais ’y arrive amais complètement. Pourtant, c’est vrai, Mouss, il traîne pas trop avec les gros lascars mais il rase pas les murs non plus. En tout cas, quand e suis venu habiter ici, nous deux, ça a collé direct. J’étais pourtant un peu en mode autiste, à l’époque.
Je crois qu’il a bien aimé mon rap avant de bien m’aimer moi. On était dans le même collège mais on se parlait pas trop. Les mecs des tours, c’était un clan très ermé. Et puis après, il est parti en CAP et on s’est revus seulement quand e suis venu habiter dans la même tour que lui. Ce qui est ou , c’est que la première ois qu’on s’est recroisés, c’était pas dans la cage d’escalier mais dans un open mic de la MJC. Comme d’hab, y’avait dix mecs dans le public et comme d’hab, la moitié en avait rien à outre ou travaillait là et l’autre moitié était déchirée. Mais avec le Mouss, on a grave accroché et on a bien déliré ce soir-là. C’était parti pour qu’on devienne des rères.
Maintenant, e suis che moi dans mon quartier. Sortir avec une meu comme Camille, ça pourrait me mettre un peu moins bien. Je me ais pas trop de souci parce qu’elle est amais venue ici et que y’a peu de chance qu’elle le asse, donc personne ne le sait à part Mouss et Sylvain. Mouss, c’est un rangin et Sylvain vient amais che moi, et puis c’est un gars clean, donc pas de souci. Pour Skeem, ’essaie d’être discret mais maintenant qu’il sait que ’ai couché une ois avec elle, il est à l’a ût. Je reste prudent. Dé à, parce qu’il a clairement envie de se la taper aussi et en plus, parce que e veux pas qu’il le balance à tout le monde.
Bre , on est che elle tous les deux, elle a son dos contre mon torse et son cul entre mes cuisses. On parle et ça me plaît. Je précise qu’on a baisé uste avant quand même, sinon e pourrais pas rester à taper la discute comme ça avec elle sur moi. Et puis, on s’est un peu rhabillés aussi, sinon ’aurais peut-être envie de remettre ça. Elle m’excite de dingue. Même quand elle était à moitié bourrée à se outre de ma gueule. Même quand elle s’est endormie uste à côté de moi quand on matait le ilm et qu’elle aisait des petits couinements d’animal. Même et surtout quand elle se aisait draguer par cet en oiré de barman. Qu’elle plaise aux mecs, c’est énervant mais ça a un côté excitant aussi. Je me demande s’ils ont couché ensemble dans ce pieu avec Sylvain. Faut pas que je pense à ça. Vraiment pas.
– Ça te dérange, si e ume de la eed ?
– Non, vas-y, e vais ouvrir un peu la enêtre.
– Tes parents vont pas gueuler ?
– Non, t’inquiète. Je suis une grande ille. Puis ils me connaissent…
– Mais ils savent avec qui tu sors ?
– Parce qu’on sort ensemble ?
– J’ai un peu l’impression, ouais…
– J’ai parlé de toi à ma mère, ’avoue.
– T’as pas pu résister…
– À quoi ?
– À rimer parce que t’es avec un mec canon !
– C’est ça, ouais ! Elle est sympa, ma mère, tu verras.
Elle tourne sa tête pour me regarder et e vois beaucoup trop d’attente dans ses yeux. Je sais pas quoi lui dire.
– On en est pas encore là…
J’ai pas tellement envie de voir ses parents. C’est tout récent. Et puis e sais qu’ils vont sûrement pas me trouver à la hauteur de leur précieuse tête blonde. J’esquive.
– C’est qui ça, Léonore Baulac ? Je lui dis en regardant l’a iche sur le mur en ace de nous.
Elle regarde rapidement l’a iche comme pour véri ier et se tourne à nouveau vers moi.
– C’est une danseuse étoile. Elle a été nommée l’année dernière. L’a iche, c’était pour Le Lac des cygnes à l’opéra Bastille, ’y étais… C’était tellement beau.
Elle a les yeux qui brillent quand elle parle de sa danse. Elle est à ond dans son truc, comme moi avec mon rap. On se ressemble vachement sur ça. On y croit, on lâche rien. Je ki e bien ça che elle.
– C’est quoi, qui te ait vraiment triper dans la danse ?
– Je sais pas, c’est naturel pour moi… J’ai tou ours dansé. Beaucoup de gens pensent que la danse, c’est un sport mais c’est plus que ça ! C’est vraiment un moyen d’ex pression. C’est un art à part entière. Et puis ’adore la scène. Je crois qu’au inal, c’est là que e me sens le mieux. C’est un moment suspendu. Je m’y sens libre. Il n’y a plus rien qui me pèse. Comme toi pendant les concerts, ’imagine, non ?
– Clair. En in, moi c’est surtout la montée d’adrénaline, l’excitation qui me ont ki er. J’aimerais bien te voir sur scène.
– C’est vrai ?
– Bien sûr, c’est vrai ! Tu m’as dé à vu sur scène toi, pourquoi moi e te verrais pas ?
– Je sais pas… J’imagine que la danse classique, ça te parle pas trop. Les tutus, tout ça…
– La danse classique, non, mais toi un peu…
– Un peu seulement ?
Je tire sur mon oint. Et ’expire la umée en parlant.
– T’en lamme pas non plus, meu !
Elle me met une petite tape sur la cuisse.
– En tout cas, si tu viens un our, tu me le dis pas avant.
– Pourquoi ?
– Parce que si e sais que t’es dans la salle, ça va me mettre une pression en plus !
– Sérieux ?
– Ouais, à chaque ois que e sais qu’il y a quelqu’un qui vient pour me voir, e me plante.
– Moi, quand y’a mes potes dans la salle ça me motive.
Elle se retourne complètement sur moi cette ois. Elle s’appuie sur mon torse et passe son doigt sur ma peau comme si elle dessinait un truc.
– Tu ais du sport, Mike ?
– Du sport ? Non. En in, à part avec toi… Pourquoi tu me demandes ça ?
– T’es musclé quand même, t’as presque un corps de danseur.
– C’est naturel. Pas besoin de me galérer à pousser de la onte ou quoi…
– C’est parce que t’es nerveux, ça. T’as une musculature ine, du coup. Et ’ai vu comment t’es sur scène. Tellement à bloc. Ça vaut largement une séance de sport. En plus, t’es grand mais pas trop, pas de poils sur le torse : tu rentres par aitement dans les grilles de l’Opéra.
– Mais… Tu serais pas en train de me draguer ?
– Merde, e suis grillée.
– T’inquiète, e suis partant mademoiselle ! Tu me plais bien aussi.
– Même avec de si petits seins ?
Je bloque le oint entre mes lèvres et ’écarte avec un doigt le tissu de son souti . Genre e véri ie.
– Ils sont pas si petits, dé à, et ils sont hyper beaux. T’es belle, Camille.
Elle me sourit. Son sourire de gentille ille toute douce. J’aime bien quand elle est comme ça.
– Tu me ais tirer une latte ?
– Ttttt… Tu touches pas à ça, toi ! Les princesses, ça ume pas… – Non mais quel macho, sérieux ! Je veux essayer. J’ai amais umé de eed de ma vie.
– Raison de plus. Et puis, celle-ci elle est bien chargée.
Elle essaie d’attraper mon oint. Je tends mon bras en l’air pour pas qu’elle le chope mais elle arrive à m’avoir en me roulant une pelle. Les meufs sont des traîtres. Elle prend le oint et tire dessus. Sau qu’elle sait pas umer : elle crapote et se met à tousser. Je savais que ça donnerait exactement ça.
Elle ait ga e à tout ce qu’elle mange, elle danse toute la ournée depuis qu’elle est toute petite. Qu’est-ce que tu veux qu’elle sache umer ?
Je me ous de sa gueule et ça l’énerve. Alors, elle tire une autre latte. Cette ois, elle avale la umée, reprend une bou ée et me rend le oint.
– Ça me ait rien, ton truc.
– Sérieux, t’as vingt-quatre ans ?
– Pourquoi ?
– Je sais pas : t’as amais umé, tu bois pas, disons presque pas, e suis pas ton premier mec quand même ?
Deuxième tape sur la cuisse. Plus orte cette ois.
– Non, dé à y’a eu Sylvain uste avant toi, e te rappelle, et e me suis tapé plein de mecs, t’inquiète.
Je sais qu’elle plaisante mais ’aime pas trop ça. Quand elle a dit ça, ça m’a vénère direct. Je me suis redressé. Ça m’a tendu. Je veux pas avoir l’image d’elle avec d’autres mecs. Même si on a couché seulement deux ois ensemble. Et puis, e sais pas, une meu avec qui t’envisages une histoire un peu plus… sérieuse on va dire, c’est mieux si elle a pas couché avec trop de mecs. Je sais bien que Camille, c’est pas une meu acile ou quoi mais, en vrai, ’aurais pré éré qu’elle l’ait ait qu’avec moi. Ça m’aurait ait ki er, d’être son premier gars.
– Je rigole, Mike. J’en ai eu que trois avant toi.
– Putain ! Arrête, sérieux, e veux pas savoir.
– T’es vraiment aloux en ait ?
– Nan, pas du tout. J’ai uste pas envie d’en savoir plus.
Je tire une grosse bou ée et e tapote le bédo sur le rebord du verre qui me sert de cendrier. Je ais ga e, e veux pas lui cramer sa belle peau blanche toute lisse. Elle est tellement douce, sa peau.
– Tu sais, che moi, les illes bien ça couche pas comme ça… – Quoi ? Tu veux dire que e suis une traînée ?
– Nan, e sais bien que t’es pas ce genre de meu , t’es sérieuse et tout, mais e connais pas mal de gars qui diraient que t’es une ille acile rien que parce que t’as dé à couché avec plusieurs mecs.
– Une pute quoi ? Sympa… Toi, t’as couché avec combien de illes ?
– Je sais pas… Pas mal, ’ai pas compté.
– Donc, de nous deux, c’est plutôt toi la pute, non ?
Ça me ait marrer. Son petit caractère me plaît, ’avoue. Elle a du répondant.
– À quel âge t’as couché avec une meu pour la première ois ? – Quator e ans, un truc comme ça…
En vrai, e m’en souviens par aitement. C’était pas très glorieux. Je dormais che mon pote David. Il avait une grande sœur qu’avait dix-sept ans, Marie, sur laquelle e antasmais grave. Elle avait des seins, pas comme les illes de ma classe qu’étaient désespérément plates. Et, e sais pas ce qui m’a pris, en pleine nuit, e suis allé dans sa chambre et elle m’a laissé la re oindre dans son pieu. D’après ce que ’avais entendu dire, pour elle c’était loin d’être la première. Ça a duré, e pense, une minute trente et encore, en étant un peu indulgent avec moi-même. On ne s’est pas dit un mot. L ’avantage, c’est que e savais qu’elle se outrait pas de ma gueule et qu’elle garderait le secret parce que c’était la honte pour elle de s’être tapé un gamin. Mais après ça, e pensais plus qu’à recommencer. Pas avec elle, e savais que c’était mort. Le lendemain, elle a ait genre « il s’est rien passé, e te connais pas ». Bre , e vais évidemment pas balancer cette histoire à Camille.
– Moi, c’était à dix-huit ans. Tu vois, t’as vraiment une petite vertu à côté de la mienne…
– Une meu , c’est pas pareil qu’un mec, tu sais…
– Tiens donc ? Pourquoi ?
– Tu vois, vous c’est plus sentimental, nous on a besoin de s’entraîner un peu…
– N’importe quoi ! Ça voudrait dire que pour les mecs, c’est uste une histoire de per ormance et pour les meu s, une histoire de sentiments.
– Y’a un peu de ça, non ?
– Je suis pas d’accord. Il y a des illes qui aiment le sexe pour le sexe ! Sans sentiments. Et des mecs qui ne peuvent pas coucher avec des illes s’ils ne sont pas amoureux.
– Si tu veux… mais la ma orité, c’est plutôt l’inverse. T’as dé à ait ça, toi, uste pour le sexe ?
– Non…
– Moi si. Principalement même. Donc tu vois…
– OK, changeons de su et parce que moi non plus, ’ai pas trop envie de savoir.
Elle marque un temps d’arrêt comme si elle ré léchissait à un truc qu’elle osait pas trop me dire.
– Dis Mike ? Tu m’emmèneras che toi, un our ?
– C’est quoi le rapport ?
– Y’en a pas ! J’aimerais bien voir où tu vis. Tu m’emmèneras che toi, alors ?
– Quoi ? Genre « vis ma vie en cité » ?
– Non, genre « e veux te connaître un peu mieux ».
– Je sais pas, Camille…
Elle est déçue mais ’ai pas envie qu’elle vienne traîner au quartier.
– On va pas se marier demain, on a le temps là, non ?
– T’as honte de moi ?
– Putain, deviens pas chiante s’il te plaît…
– Ton copain Skeem, lui, il pas l’air de me trouver chiante.
– Quoi ? T’as dit quoi, là ?
– Ton pote Skeem, il m’a appelée une ois. Je voulais pas t’en parler, c’est sorti tout seul…
J’y crois pas, cet enfoiré l’a fait. Soit il a vraiment cru que ’en avais rien à outre de cette meu , soit elle lui plaît su isamment pour prendre le risque qu’on s’embrouille tous les deux à cause d’une gon esse. Ça ne peut être que la première hypothèse.
– Y voulait quoi, ce ils de pute ?
– Il m’a dit que c’est toi qui lui avais donné mon tél, c’est vrai ? – Euh… ouais.
Elle se redresse en se couvrant avec le drap et me usille du regard.
– Pourquoi t’as ait ça ?
– Parce qu’il me l’a demandé…
– Quoi ? C’est quoi ce délire ? Vous vous re ile vos meu s ? – Il t’a dit quoi ?
Elle se lève et en ile son ute nerveusement.
– Mike, ’aime pas du tout la tournure que prend cette conversation. Tu lui as dit qu’il pouvait m’appeler ? Que ’allais coucher avec lui ou e sais pas quoi ?
– Il t’a dit ça ? Que ’avais dit ça ?
– Non, mais c’est trop chelou vos histoires… Tu veux quoi ? Que e asse la pute pour toi ? On n’est pas dans la cité, ici !
– T’es malade ! Je erais amais un truc pareil. Et puis, c’est quoi ces ré lexions sur les cités ? Genre on est tous des proxénètes ! T’es sérieuse, là ?
On commence à s’engueuler pour de vrai. Le ton monte dangereusement.
– Je sais ce qui se passe dans les caves… J’ai dé à vu des reportages là-dessus !
– J’hallucine ! T’en as d’autres, des clichés à la con à me balancer comme ça ?
– Là, tu changes de su et, Mike ! Pourquoi t’as ilé mon numéro à Skeem, alors ?
– Je lui ai ilé ton numéro parce que Mouss a ait une ga e. Il m’a demandé devant Skeem pourquoi ’étais pas resté avec toi après le resto et comme e veux pas que Skeem sache qu’on est ensemble et qu’il voulait ton numéro, ’ai ait genre pas de souci, qu’on avait couché une ois ensemble uste comme ça.
– Donc, c’est bien ce que e dis, t’as honte !
– Non, putain ! Mais lui, c’est un outeur de merde pro essionnel. Il va le raconter dans le quartier et après tout le monde va me aire chier parce que e sors avec une bourge…
– T’as honte… Et e suis pas une bourge, c’est un cliché, ça aussi. J’ai rien d’une bourge ! Tout ça parce que ’habite à Paris ? Arrête avec ce truc !
– Si, t’es une bourge mais c’est pas le débat, là. Vas-y, dis-moi ce qu’il t’a dit.
– Il m’a proposé un rencard.
– L’en- oi-ré…
– T’avais qu’à pas lui donner mon tél, aussi !
– Je pensais pas qu’il t’appellerait. Je savais que tu lui plaisais bien mais e pensais qu’il voulait uste me tester. Tu lui as dit quoi, toi ?
– Que e savais pas… que e le rappellerais.
– Tu plaisantes ?
– Non, e savais pas quoi dire, moi. J’étais hyper emmerdée. T’aurais pu me prévenir.
– Il te plaît ?
– Pas vraiment, non.
– Un peu quand même…
– Nan. Ob ectivement, il est pas mal, mais c’est pas mon genre. – « Il est pas mal. »
J’ai envie de me casser direct et d’aller dé oncer Skeem. Elle doit le sentir parce qu’elle t iste complètement. Volte- ace. Elle retire le tee-shirt qu’elle venait pourtant uste d’en iler et se met à cali ourchon sur moi.
– Mais c’est toi que e veux, mon beau Monténé…
– Monténégrin, on dit Monténégrin. J’y crois pas, que t’aies hésité !
– J’ai pas hésité…
Elle ait remuer ses hanches sur moi. Elle est ultra sexy. J’ai l’impression que la beuh ait son e et, soudain.
– Qu’est-ce qui t’arrive ?
– Je sais pas. Je me sens… détendue. Et puis, c’est ton par um, il me rend dingue. C’est quoi ?
– Bois d’argent… C’est un par um de proxénète des cités, tu vois ?
– Je connais pas, c’est un truc du peuple ? Tu trouves ça en supermarché ?
– Madame ait dans la vanne ! C’est Dior, pour ta gouverne. Les bourgeoises, elles connaissent bien cette marque, pourtant…
Je l’attrape par la taille. Elle a réussi son coup, e suis bien énervé mais plus pour les mêmes raisons.
– Rappelle-moi de plus amais t’empêcher de umer ma eed…
Je suis réveillé par un petit bruit sourd, répété, dans la pièce d’à côté, comme si quelqu’un tapait contre le mur. Je me dis que les parents de Camille sont peut-être rentrés plus tôt. Je voulais pas m’endormir ustement pour pas les croiser mais on était bien et le sommeil m’a pris en traître. Je me rhabille. Quand ’arrive dans le
salon, elle est en train de taper ses chaussons de danse sur le mur. Juste vêtue d’un tee-shirt et d’une culotte. Pendant une demi- seconde, e me demande si elle est pas complètement cintrée. Mais quand elle me voit, elle s’arrête et me sourit comme si tout ça était normal.
– Camille ? Mais qu’est-ce qu’ils t’ont ait, ces chaussons ?
– Oh, pardon Mike, e voulais pas te réveiller. Je prépare mes pointes.
Elle attrape un de ses chaussons, se baisse et le tord sous son talon. Crack !
– On dirait plutôt que tu leur en veux de quelque chose. Ils t’ont ait du mal ? Tu veux que e leur règle leur compte ?
Elle se marre.
– Ils sont neu s et aut les casser, ’ai une répétition cet aprèm.
Je cherche même pas à comprendre ce qu’elle me dit. Je suis trop décalqué.
– Il est quelle heure ? – Six heures et demie. – T’es une ou !
– Désolée, e suis une lève-tôt. J’ai pris ce rythme avec l’Opéra… même les eek-ends ’arrive plus à dormir. Je pensais vraiment pas que t’entendrais depuis ma chambre. J’ai ait attention de pas taper ort.
– J’ai l’ouïe ine… et le sommeil léger.
– Mais va te recoucher, ’arrive.
– Nan, maintenant que e suis réveillé, c’est mort. Je vais y aller. – Tu restes pas ?
Elle a l’air un peu contrariée. En in, elle a l’air d’une ille qui ait genre « e suis pas contrariée alors que e suis contrariée ».
– Tu veux même pas prendre un petit dé ?
Je veux pas rester. Ça me tente mais ça me semble un peu tôt, la presque nuit ensemble, le petit dé euner, les parents qui vont arriver. Tout ça.
– Ils vont pas revenir tout de suite, tu sais.
Elle pige vite.
– Bon OK pour le petit dé mais après e ile.
– Je prépare ça. Ca é ?
– Ca é !
– Tu peux prendre une douche si tu veux, dans ma salle de bains. – C’est vrai que madame la châtelaine a sa propre salle de bains. – Commence pas, Mike…
– OK pour la douche, mais seulement si tu viens avec moi.
Elle lâche ses putains de chaussons, qui m’ont réveillé à six heures et demie du mat un dimanche et s’approche de moi. Je pensais vraiment pas que ce genre de ille pouvait être aussi sexy. Que toute cette délicatesse, ça pouvait être excitant.
Je suis parti sur les coups de midi inalement. Je rentre en RER. Midi sur la ligne D en direction d’Al ortville un dimanche, autant dire que c’est désert. Y’a quand même une renoi qui ambiance le agon en parlant dans son téléphone, haut parleur à blinde. Je capte pas le concept, y’a plein de gens qui ont ça dans le train. C’est quoi, leur délire ? Ils veulent aire pro iter tout le monde de leur conversation ? Dans le cas présent, ça me berce. On s’est pieutés tellement tard et levés tellement tôt. Cette meuf est dingue. Je suis à moitié endormi dans un carré à six sièges, les pieds calés sur le coin pour les bagages, e repense à cette nuit. À ce matin. C’était cool. Très cool.
8
CAMILLE
Ça ait dé à trois heures que Mike et Sylvain enregistrent des maquettes pour un eaturing avec un rappeur connu. Je ne me souviens plus de son nom, uste qu’il vient du 93. Le our où Mehdi a appelé Mike pour lui annoncer que le mec voulait aire un titre avec lui, on allait au ciné. J’avais réussi à le convaincre d’aller voir le dernier oody Allen. Après une longue bataille.
On attendait dans la ile devant le Rex, il était comme un dingue au téléphone. Et même pendant tout l’après-midi. Et même pendant deux ours. Ce rappeur, il le respecte vraiment. Il l’écoutait dé à quand il était gamin. Il dit que c’est le boss. Pour moi, il est inconnu au bataillon mais bon, e ne suis pas ce qu’on appellerait une ré érence en matière de rap rançais. De rap tout court, d’ailleurs.
Le ait que ce soit le gars qui ait proposé le eat à Mike ne aisait que décupler son excitation. Résultat, il a passé son temps sur hatsApp pendant tout le cinoche. Il n’a rien vu du ilm et moi non plus parce qu’il m’énervait trop. Pas acile, de suivre une histoire quand le gars qui vous accompagne regarde tout le temps son téléphone. J’imaginais bien que les gens autour devaient être aussi saoulés que moi. J’avais beau lui donner des coups de coude, il
s’arrêtait cinq minutes et y revenait tou ours. Comme un gamin. Un monsieur d’une quarantaine d’années a ini par lui demander poliment d’éteindre son téléphone ou de sortir. Mike a d’abord réagi en mode lascar sur la dé ensive puis il s’est ravisé en voyant mon embarras. Il a éteint. Une ois sorti, il a râlé que le ilm était chiant, que de toute açon nos cinémas à Paris étaient tout pourris. Qu’il ne voyait pas en quoi ça dérangeait, qu’il regarde ses messages, vu que de toute açon, c’est tellement mal insonorisé qu’on entend la conversation des gars qui passent dans la rue. Et qu’un our, il audrait qu’il m’emmène dans un vrai complexe ciné en banlieue. Là, il y a des gros auteuils, de la place, des big écrans et un vrai son qui claque. Banlieue 1-Paris 0.
Je suis inalement retournée voir le ilm avec Fanny quatre ours
plus tard. oody Allen, c’est le seul réalisateur qui nous mette
d’accord toutes les deux.
Le rappeur dont ’ai oublié le nom et qui vient du 93 enregistrera sa partie che lui. Ils ne vont même pas se croiser. Ils échangent par Facetime. Je trouve ça un peu bi arre, de aire un morceau ensemble sans amais se retrouver dans la même pièce. Mike, ça ne lui pose pas de problème. Apparemment, ça se passe souvent comme ça avec les rappeurs aussi connus que ce gars. En tout cas, Mike est acharné. Il veut que le truc soit par ait pour impressionner son aîné.
Il commence à être tard, e suis allongée sur ce canapé qui est de plus en plus dé oncé. À moitié endormie, e regarde Mike et Sylvain en train de bosser. Mike, ace au micro, qui rappe dans sa cabine avec son casque sur les oreilles. Tellement à ond que les veines de son cou sont prêtes à exploser. Et puis Sylvain, qui roule sur sa chaise d’un bout à l’autre de la table pour tourner les boutons de ses machines. Il n’a pas beaucoup de chemin à aire. C’est tellement petit, ici.
Dire qu’il y a quelques mois, c’est avec lui que e sortais ! J’étais ici même, en train de me aire hurler dessus par Mike parce que ’étais che lui. Ça me paraît une autre vie. Très lointaine. Même pas la mienne.
Je me demande si Mike pense à mon histoire avec son pote. Je suis sûre que oui. Je vois bien qu’il a un tempérament aloux mais qu’il se contient.
Ça ait un mois et demi qu’on sort ensemble et e l’ai vu bien plus que Sylvain en trois mois. Je suis devenue ultra dispo. S’il m’appelle, même si e sais que ’ai répétition très tôt le lendemain matin, e cours prendre le RER pour le retrouver à Al ortville, dans son studio pourri. J’adore cet endroit, c’est loin, c’est tout petit et c’est le bordel, mais c’est là qu’on s’aime.
Ce rythme e réné, entre Mike et mes cours, n’a ecte pas ma danse pour l’instant. Au contraire, e n’ai amais aussi bien dansé de ma vie. C’est plus souvent moi qui vais le re oindre dans sa banlieue parce qu’on peut être tout seuls dans son studio. Che moi, il y a tou ours mes parents qui risquent de rappliquer. Je crois qu’il lippe de les rencontrer ou qu’il pense que ce n’est pas asse sérieux entre nous. Je ne sais pas trop. J’essaie de pro iter du moment présent, de ne pas le brusquer. Je ne lui ai pas encore dit clairement que e l’aimais parce que e sens que ça pourrait le aire uir. Il est si peu démonstrati sur ses sentiments, mais e pense qu’il en a pour moi. Une chose est sûre, c’est que, moi, e suis dingue de ce garçon. Il est passionné, il me ait rire, il est vivant. Vraiment vivant, e veux dire. Il va tou ours de l’avant, il a envie de aire plein de choses. Il ne se met aucune barrière. « Tout le monde peut s’en sortir, aucune cité n’a de barreaux. » C’est tiré d’une chanson que Mike a mise dans ma playlist un our où il avait ugé indispensable de aire mon éducation rap. Une chanson de Booba, un rappeur que e connais pour une ois.
Ça résume bien la açon qu’a Mike de voir les choses. Il voit le monde en grand et il sait où il veut aller. Et puis, ’aime bien la ille que e suis quand e suis avec lui. Moins contenue, moins angoissée, plus libre.
– Comment t’as trouvé, Cam ?
– Bien ! Mais e dormais à moitié…
Je me lève du canap en m’étirant. Il m’embrasse dans le creux du cou et un délicieux risson parcourt mon corps. Pourtant, il l’a ait machinalement, sans y mettre d’attention particulière. Je sens qu’il est un peu tendu et que c’est de ma aute, étant donné le ton qu’il utilise pour me répondre.
– Super ! Merci pour tes commentaires constructi s…
Il se tourne vers Sylvain.
– Et toi, mec ?
– La in, c’est vraiment de la balle. Y’a uste le premier couplet que e trouve un peu en dessous. T’as beaucoup de mots, aut que tu sois plus précis ou que t’en vires, e pense.
– Ouais, c’est clair ! Y’a un truc qui onctionne pas dans le lo . Je dois réécrire un texte plus cut, plus tendu. Je vais en parler à Skeem parce que e pense que le début de l’instru aide pas.
– Je suis d’accord et puis, aut que tu voies avec Socrate s’il garde sa partie telle quelle.
J’avoue me sentir un peu conne à cet instant précis. C’est vrai que ’aurais pu dire autre chose que « bien ». Un truc plus pertinent. – On dort là-dessus et on écoute demain ! De toute açon, là, ’ai
la voix niquée.
– Ça marche ! Je vous laisse, ’ai rencard avec Fanny dans vingt minutes. Je suis dé à en retard.
– Elle va te tuer, tu sais comment elle rigole pas avec la ponctualité !
– C’est clair ! Je suis dé à mort tel que tu me vois.
Ça me ait sourire. J’imagine bien l’accueil que va lui réserver ma copine.
– Tu l’embrasses pour moi et tu lui dis qu’elle a le droit de m’appeler ou de passer à la maison. C’est quand même pas très loin : un étage !
– Yes ! Tu lui manques aussi. Mais ça va aller mieux une ois qu’elle aura ini son pro et d’installation en Belgique.
– J’ai hâte de voir ça ! T’as vu des trucs ?
– Ouais, c’est chouette ! Après, tu sais, moi, l’art contemporain, e comprends pas tout…
Sylvain en ile son blouson et s’approche de moi pour me aire la bise. On manque de s’embrasser sur les lèvres parce qu’on est chacun parti du mauvais côté. Il rappe énergiquement dans la main de Mike.
– À demain, mec !
– Yes !
Dès que la porte se re erme, Mike s’approche de moi açon tigre sur sa proie. Je n’arrive pas à déterminer si c’est du désir ou de la colère que e lis dans ses yeux, mais vu la açon dont il m’a parlé toute à l’heure, e suis prête à tout miser sur la colère.
Il m’attrape et s’assoit sur le canapé. Je me retrouve assise sur ses cuisses, encerclée par ses bras. J’approche mon visage du sien pour l’embrasser, mais il se dérobe.
– T’as beaucoup baisé avec lui ?
– Quoi ? De qui tu parles ?
– De Sylvain… y’en a d’autres dans le coin ?
– C’est quoi cette question ?
– Tu veux que e re ormule ? T’as pas compris le sens de ma phrase ?
Son ton est sec, cassant.
– Si, ’ai bien compris, mais pourquoi maintenant ? Et e croyais que tu voulais rien savoir des autres mecs…
– Sylvain, e le connais et e sais que t’as couché avec lui, donc ’ai dé à l’image, tu vois.
– Justement ! Ça sert à quoi de savoir si on a « beaucoup baisé », comme tu dis ?
Je m’extirpe de ses genoux et m’assois à côté de lui. Je commence à le connaître et ’ai compris que ce qui le chagrinait, ce n’étaient pas mes commentaires sur son rap, c’était Sylvain et moi dans la même pièce. Il cherche les problèmes. Moi, ’ai intégré le ait qu’il a eu pas mal de illes… Bon, OK, pas complètement, mais lui, il voudrait être le seul homme que ’aie connu et que e connaîtrai amais. Même pas parce qu’il m’aime, uste parce que des ois, son côté mâle dominant prend le dessus.
– C’est de la curiosité, c’est tout !
– Y’a plus rien avec Sylvain, c’est comme un rère. Il sort avec Fanny !
– T’es au courant qu’on couche pas avec son rère,
normalement ?
– J’aime pas quand t’es comme ça.
– Quoi ? Comment ?
– Fermé ! Je vois bien qu’il y a un truc qui va pas et que t’as décidé de m’emmerder.
Des ois, Mike se re erme, comme ça, en un claquement de doigts, sans que e sache ce qui s’est passé dans sa tête.
– T’essaies d’esquiver, c’est tout…
– Pas du tout ! J’ai pas de problème avec ça…
– Alors balance !
– Oui, ’ai couché avec lui plus d’une ois. T’imagines bien ! On n’est pas restés à ouer aux cartes quand on se voyait, même si c’était pas très souvent.
– Putain !
– Quoi « putain » ? Tu le savais, c’est quoi le problème ?
– Je sais pas… Ça aisait un bail que e vous avais pas vus tous les deux dans la même pièce. T’étais allongée sur le canap, à l’aise, comme si c’était encore ton mec. De ma cabine, ’avais une belle vue, e t’assure. Et quand il s’est penché vers toi…
– T’es bi arre, Mike, des ois. Ça te dérange pas de iler mon numéro à un de tes potes, mais quand Sylvain me ait la bise, tu pètes un plomb.
– Dé à, e pète pas un plomb. On discute. Et Skeem, e sais qu’il y arrivera pas, avec toi. Sylvain, il t’a dé à eue, ça n’a rien à voir !
– « T’a dé à eue ? » Genre quoi ? Il m’a possédée ? Tu me oues quoi, là ? T’es passé en mode primate ?
– C’est uste que ’aime pas te voir avec Sylvain.
– Pourtant tu sais par aitement que e veux personne d’autre que toi… Mike Karavic !
Il m’attrape ermement par la taille pour me rapprocher de lui. – Viens là ! Que e te rappelle qui est ton maître, chienne. J’attrape son menton entre mon pouce et mon index.
– Fais ga e, e pourrais te mordre. Espèce de macho à deux balles !
– Je rigole, Cam ! Mais viens là quand même…
MIKE
Je vais pas souvent la re oindre che elle, sur Paname. Je pré ère qu’on se retrouve au studio. Tranquilles. C’est plus neutre. C’est che moi. Pas de risque de croiser ses darons, ni ma daronne. Personne pour nous prendre la tête. Donc, comme d’hab, c’est elle qui a ait le chemin au ourd’hui.
Elle m’a tellement saoulé pour que e lui montre che moi, c’est devenu son obsession depuis quelque temps, que ’ai ini par céder. J’avoue avoir un peu de mal à lui résister. Et quand elle a un truc dans la tête, c’est mort. C’est un vrai pitbull ! Elle lâche pas mais açon maligne, l’air de rien. Comme la ois où elle m’a traîné au cinoche voir son ilm à la con. Ça me disait rien du tout, ranchement, mais ’ai ait l’e ort. En in, presque, parce que ’ai rien suivi du truc.
Ce soir, pour une ois, ma mère est de sortie. Elle sera pas là avant vingt-trois heures. Comme e bossais pas et que Camille venait passer l’aprèm au stud, e lui ai proposé de aire un tour vite ait che moi après la séance. Elle était excitée, allait voir ! Comme si e lui avais proposé de l’emmener à Los Angeles.
J’ai rasé les murs quand on est arrivés dans le quartier. J’avais pas envie de croiser des mecs qu’auraient buggué en la voyant. Je lui
ai demandé de pas me tenir la main, ou rien dans le genre. Si on nous voit main dans la main, e me tire une balle dans le pied. Tenir la main d’une meu en cité, ça se ait pas. Y’a des trucs qui se montrent pas, c’est tout. Elle a commencé à me chambrer. Elle a vu que e rigolais pas et que l’occase se représenterait peut-être pas, alors elle a obéi bien sagement.
Elle était tellement impatiente qu’on a écourté au stud. Il est tôt et tant mieux parce qu’à cette heure-ci, y’a pas grand monde dans le quartier à part les daronnes qui reviennent d’aller chercher leurs gosses de l’école. On traverse les tours sans se aire remarquer. Évidemment, arrivés dans le hall, c’est une autre histoire. La plupart des gars que e voulais pas croiser traînent là. Je sais pas à quoi e m’attendais en même temps, ils passent leur vie ici. Moi- même, ’y ai passé beaucoup de temps.
– Hey Mike, qu’est-ce que tu nous ramènes là ? Tu nous présentes pas ?
– C’est bon, les gars.
– Comment elle s’appelle, la reine des neiges ?
Il aut savoir que dans le quartier, y’a pas beaucoup de illes comme elle. Des blondes. Je veux dire, des vraies blondes aux yeux clairs avec une tête comme ça… une tête de bourge, quoi.
Camille, elle est comme l’agneau au milieu des loups. Elle leur parle avec un petit sourire et une voix toute douce. Elle se rend pas compte qu’ils vont en aire qu’une bouchée.
– Je m’appelle Camille.
– aouh, Mike ! Mais c’est une poupée qui parle !
– Bon, on doit tracer. Salut !
J’attrape Camille par le poignet pour pas lui laisser le choix et e vais vers la cage d’escalier parce que comme d’habitude, l’ascenseur est en panne.
– T’as besoin de rien, Mike, pour passer un bon moment avec ta reine des neiges ? J’ai croisé Molly, hier…
– Non ça va ! Salut !
C’est bon, e suis grillé. Ils vont me aire chier usqu’à la in des temps. Chaque ois que e rentrerai dans ce putain de hall, ’aurai le droit à des trucs du genre « Elle est pas là, au ourd’hui, ta reine des neiges ? » ou des grosses vannes pourries sur les bourges coincées qui sont tou ours les plus chaudes au pieu et autres théories du genre… Que des vannes que moi-même, ’aurais aites.
– C’est qui, Molly ?
– Laisse tomber, c’est des cachetons.
– Hein ?
– La Molly, c’est de la drogue, genre ecsta…
– Ah ? Et tu prends de ça, toi ?
– Nan, t’es ou ! Je veux pas rester québlo !
Dix étages à pied dans cet escalier pourri. Le crépi aune pisseux me paraît plus dé oncé que d’habitude, l’odeur du vide-ordures qui embaume toute l’année me semble plus violente. On arrive essou lés devant ma porte.
J’ai un peu les boules de lui montrer où e vis. Je veux dire, c’est vraiment pas By ance, comme dit ma mère. Je sais que Camille est pas snob mais bon, quand même. La di érence est nette avec che elle. Et puis ma chambre, elle est minable, ça invite pas à l’amour. On a pas eu les thunes pour re aire la déco quand on a emménagé avec la daronne. J’ai un papier peint dégueulasse, pas dans le sens sale mais dans le sens moche, carrément hideux. Sérieux, l’ancien locataire, un our il s’est dit « Ouais e vais aire ma chambre super classe à rayures vertes et marron, ça va cartonner » ?
Et puis, ’ai gardé mes meubles d’ado. Ça ait pas super viril. Quand on arrive dans le salon, e vois direct à sa tête qu’elle
s’attendait pas à un truc aussi pourrave. Ça me ait chier.
– Je t’avais prévenue, c’est pas…
– Arrête, Mike ! Je m’en ous. Je veux uste voir où t’habites.
Le salon est pas mieux que la chambre, le papier peint est aussi à chier. Au moins, le gars est resté cohérent.
– Vous ave une super vue avec cette hauteur.
– Ouais, ça va… Sur le balcon si tu te penches un peu, tu peux voir la tour Ei el.
– C’est quoi, les deux grosses cheminées colorées qu’on voit là- bas ? Je les avais dé à remarquées depuis le RER.
– C’est la centrale EDF de Vitry… C’est moche, hein ?
– Je sais pas, en ait. Ça a un côté beau quand même.
– Ça ait un moment qu’ils parlent de les dégager mais elles sont tou ours là… Comme cette cité, d’ailleurs. Je te montre ma chambre ?
– Carrément.
C’est trop chelou de la voir ici. Ce lieu et elle, ça va pas ensemble. Dé à c’est le bordel, soyons clair. Mes ringues qui traînent, les cartons du déménagement amais déballés au-dessus de l’armoire, mes carnets par terre, des euilles de papier, des euilles à rouler, des paquets de gâteaux éventrés… Toute ma vie que e laisse traîner tout le temps. Et comme e suis avec elle, ça me saute aux yeux, ce boxon. Elle se out de ma gueule.
– T’es un peu maniaque, dis donc !
– J’avoue…
Je replace ma couette sur le lit pour qu’elle ait un endroit convenable où s’asseoir.
Mais elle s’assoit pas. Elle ouine. J’en étais sûr ! Ramène une ille che toi et elle ouille partout. Elle pose des tas de questions. Elle
voit le livre dont elle m’avait parlé quand on s’est embrassés la première ois.
– Tu l’as lu ?
– Nan, pas encore. En in, un peu le début.
C’est pas vrai. Je l’ai lu et ’ai trouvé ça mortel. Ça m’a inspiré une track, même. J’ai pas vu la ressemblance avec moi parce que le gars, c’est un bourge qu’a le seum. Moi, ’ai pas les moyens d’être déprimé comme ça. J’ai choisi la colère, sinon e suis mort. Elle regarde un de mes carnets.
– T’écris vraiment tous tes textes à la main ?
– Une bonne partie.
– T’es old school !
– Carrément ! Mais e me modernise, ’écris de plus en plus sur mon tél.
– Et tu t’y retrouves ? Y’en a partout !
– T’inquiète, e gère ! Je sais où tout se trouve. Exactement. Ça me rend nerveux de la voir rôder autour de mes a aires. – Pourquoi t’écris des trucs comme ça sur les illes ?
– Quoi ?
– Je euillette deux secondes ton carnet et e tombe sur « pute », « salope »… et t’as quand même un morceau qui s’appelle Suceuses .
– Mais intelligente comme t’es, tu sais pas lire entre les lignes ? Je parle pas orcément des emmes, ça peut être des mecs.
– Donc, dans Suceuses, tu parles de mecs ? C’est un morceau gay riendly ?
Faut tou ours qu’elle asse sa petite vanneuse.
– T’es vraiment trop marrante ! T’as bien vu comment on se parle avec mes potes. Un mec qui te ait un sale coup, c’est une pute ou une salope. Et sucer, c’est comme quand on dit « il m’a sucé la bite » pour dire « il m’a… »
– Flatté ?
– Voilà. Tu vois, quand tu veux… Tu l’as écouté, Suceuses, au moins ?
– Non, ’avoue.
– Tu vois ! Faut pas se ier aux apparences. Écoute-le. C’est sur le milieu du rap.
– C’est un milieu hypocrite ?
– À ond. Y’a clairement de la suceuse. On se balance des « rère » tant qu’on peut mais la plupart pensent qu’à baiser les autres, en vrai. Tout le monde veut le bu de celui qu’en a le plus. Ça n’a pas l’air de la surprendre. Elle veut pas creuser le su et, elle continue sa ouille. C’est plus intéressant !
– Et ce carnet-là, e peux le lire ?
– Nan, ’aime pas ça. C’est des trucs en chantier… Viens plutôt t’asseoir à côté de moi…
Elle s’exécute. Mais évidemment, elle voit direct la photo de mon père sur mon bureau alors que c’est une toute petite photo d’identité.
– C’est ton père, là ? Tu lui ressembles grave ! Tu m’en parles amais…
– Peut-être parce qu’il est mort.
Elle pose sa main devant sa bouche comme si elle venait de dire la plus grosse connerie du monde.
– Oh ! Pardon Mike.
– C’est bon. On peut parler d’autre chose.
– Euh… oui, désolée. T’as des rères et sœurs ?
– Ouais, un grand rère.
– Qui s’appelle ?
– Lukas, mais on s’en out là, non ?
– Non, au contraire.
– Si ! Moi, ’ai envie de toi. J’ai pas envie de discuter.
– Mike ! Pour une ois qu’on parle de trucs intimes. Quand même !
– Quoi « quand même » ? Je croyais que t’étais une chaudasse ! Tu m’as trompé sur la marchandise ?
– T’es vraiment un sale con, des ois !
– Viens voir ton sale con.
Je l’attrape par sa capuche parce qu’elle me tourne le dos. Elle tombe sur mes genoux et e la serre contre moi. Elle se retourne, passe ses bras autour de mon cou et me regarde.
– T’emmènes beaucoup de illes ici ?
– Des tas.
Je lui roule une pelle qui veut clairement dire que ’ai pas envie de aire la conversation.
J’entends la clé dans la serrure. Merde ! Ma mère devait être au cinoche avec Samia, une collègue de son boulot. On vient uste de baiser dans mon pieu d’ado. J’aime pas ça. Je veux dire, ’aime pas ça, que ma mère rencontre ma meu .
– Mika ? T’es là ?
Camille se marre quand elle me voit en panique à cause de ma daronne.
– Vas-y, rhabille-toi !
Je lui balance gentiment mon oreiller à la igure pour qu’elle se bouge. Et e gueule pour que ma mère ait pas la grande idée de rentrer dans ma chambre.
– Ouais, ’arrive maman ! Je suis pas tout seul.
J’imagine son petit sourire, elle doit être tout excitée, ma daronne. Je lui ai en in « ramené quelqu’un », comme elle dit. Fait chier !
J’en ile mon ute et mon tee-shirt. Camille a dé à sur le dos sa robe s eat-shirt grise à manches courtes que ’aime bien. Je sais pas si c’est un s eat trop long ou une robe trop courte. Ça lui va bien en tout cas. Tout lui va, de toute açon. J’ai bien vu comment les gars la mataient tout à l’heure dans le hall. J’avais grave envie de leur dire de baisser les yeux, d’autant que la plupart sont des baltringues, mais ’allais pas m’embrouiller avec eux devant Camille. C’est la première ois qu’elle vient ici. Elle remonte son legging à la taille en gigotant les hanches. Je l’attrape par la main et on va dans le salon. Ma mère est dans la cuisine. On se pose sur le canapé et ’allume la télé pour aire genre on est tranquilles. J’ai l’impression que ça se voit sur ma tronche que e viens de baiser. De toute açon, Camille a plein de plaques rouges au niveau du cou et de la poitrine. Elle a la peau hyper ine. Su it que e l’embrasse pour que ça marque.
– Bon our !
Ma mère me saoule dé à. Son « bon our » tout mielleux comme si elle parlait à des mômes, ça me rend urax.
– Commence pas, maman.
– Tu me présentes pas ?
– C’est Camille, une copine.
Camille me regarde et me ait les gros yeux. Elle tend sa main toute ine à ma mère.
– Bon our madame. Enchantée.
– Enchantée.
– Tu devais pas aller au cinoche avec Samia ?
– Si, mais elle est malade. Un truc qu’elle a mangé ce midi. Elle a annulé. Je suis rentrée directement. Ça me disait rien, d’y aller toute seule. C’est bête, pour une ois que e sors… Vous dîne avec nous, mademoiselle ?
– N…
– Volontiers.
Elle ait exprès, Camille. Exprès pour me aire chier parce que c’est une vraie chieuse. Aussi chieuse que ma daronne.
– Je peux vous aider ?
– Avec plaisir.
Et elles partent toutes les deux dans la cuisine. Et e suis saoulé. Je reste dans le salon à apper mais e les entends acter, c’est tellement petit ici et les murs sont en carton.
– Alors, vous êtes danseuse ?
– Mike vous l’a dit ?
– Non, mais ça se voit !
C’est dingue ce que les emmes sont observatrices. Elles voient tout ! Rien ne leur échappe. C’est ce qui me met mal à l’aise avec Camille. C’est une maligne et ’ai bien compris qu’elle voit plus que ce que e veux bien lui montrer.
CAMILLE
Il ait la gueule, Mike. Il ne voulait pas rester. J’avoue que e l’ai un peu coincé mais ’avais trop envie de connaître un peu sa maman. Et par extension, d’en savoir plus sur lui. Il est tou ours ermé. Il ne se con ie amais sur rien. Ça ait presque deux mois qu’on sort ensemble et ’apprends seulement au ourd’hui que son père n’est plus de ce monde.
Sa mère a l’air tellement triste, même si elle ait semblant du contraire. Je comprends qu’il étou e ici et qu’il ait besoin de sortir, de pas être là, quoi, dans cette ambiance pesante. On est tous les trois serrés autour de la petite table de leur cuisine. Pendant tout le repas, il n’a pas décroché un mot. Soudain, il se lève d’un bond comme s’il n’en pouvait plus.
– Bon, on va aire un tour ! Tu viens, Camille ?
– Attends, on va aider ta mère à ranger, quand même !
Il me lance un regard tout noir pour me aire passer un message sans ambiguïté.
– Tu ais chier, vraiment !
– Mika ! Comment tu parles à ta copine ? Je t’ai pas élevé comme ça !
– Vas-y, va aire ton tour ! Ça va te détendre, moi, e reste avec ta mère.
Il claque la porte. Sa mère me regarde avec un air désolé. – Il devrait pas vous parler comme ça. C’est pas bien.
– Ne vous inquiéte pas, madame, il aboie mais il est gentil avec moi. Et vous pouve me tutoyer, vous save .
Elle me ait un sourire plein de tendresse. Elle est olie, sa maman, si on regarde au-delà des traits roissés de atigue et marqués par la vie. C’est comme avec les vitres du RER couvertes de tags aits à la clé, au début on remarque que ça, les rayures, et puis le temps que l’œil s’accommode, on voit tout ce qu’il y a derrière. Des cheveux noirs épais et ondulés qui lui arrivent aux épaules, un regard sombre très pro ond, comme celui de Mike, et la peau mate. Elle devait être magni ique étant eune.
– Je suis tellement contente qu’il ait rencontré quelqu’un comme toi. Tu as l’air d’avoir la tête sur les épaules.
– J’ai quatre ans de plus que lui, vous save ?
– Ah non, moi e ne sais rien. Mon ils, il me parle amais de ses copines. Il me parle pas de grand-chose, d’ailleurs. Il se ré ugie tou ours derrière un mur.
Elle tapote avec son index sur sa tête.
– C’est pas acile de savoir ce qui se cache là-dedans. (Elle marque une pause, semble ré léchir à ce qu’elle va a outer.) C’était un gamin vraiment tendre, un peu turbulent, mais tendre. Après la mort de son père, il est devenu en colère. C’est une boule de ner s ! Il en veut à tout le monde, il aime personne. En in, pas grand monde. Je sais pas s’il va garder son travail, avec son caractère de cochon.
J’essaie de la tranquilliser.
– Je crois que ça va, de ce côté-là, et puis le rap, ça commence à bien marcher pour lui !
– Tu y crois, toi, à ces histoires de rap ?
– Oui, vraiment, il a beaucoup de talent…
Sa mère ait une moue qui signi ie que ça la dépasse. Elle n’est pas convaincue.
– Ça me rend triste qu’il soit obligé de travailler dans ce Franprix parce que Mika, il était très bon à l’école !
– Ah bon ? Je savais pas. Il me parle pas beaucoup à moi non plus… J’avais compris que c’est un malin mais e le voyais pas en premier de la classe.
– Oh, il l’était pas. Il avait des acilités mais il travaillait pas beaucoup. Qu’est-ce que son père a pu lui crier dessus avec ça. Il s’est même pris quelques bonnes raclées. Ça n’empêche que sans trop bosser, il a sauté le CE2 et qu’il a eu son bac S avec mention bien à dix-sept ans.
Sa mère est ière de lui, on peut clairement le lire dans ses yeux et ça me touche.
– Mais voilà… (Elle s’assoit sur une des chaises de la cuisine.) Son père a eu cet accident quelques mois après. Juste avant les vacances.
– Excuse -moi si e suis indiscrète, mais e peux vous demander ce qui s’est passé ?
– Il est tombé du sixième étage sur un chantier. Il travaillait dans le bâtiment. On a su après qu’il avait ait un accident cérébral et qu’il a perdu l’équilibre…
– Mon Dieu ! C’est terrible.
Je ne sais pas quoi dire d’autre. Elle se relève et essaie de cacher son émotion en s’occupant les mains. Elle sort deux tasses et commence à préparer un ca é.
– Mika adorait son père. C’était son dieu. Mon mari, paix à son âme, il était pas tou ours tendre avec ses en ants mais il les aimait tellement. Ils le savaient. Lukas, le rère de Mika, il avait vingt-cinq ans quand leur père est mort et il a pas trop mal géré, mais Mike, ça l’a bouleversé. Il a plus parlé pendant dix ours. Pas un mot. Rien.
– Ah bon ?
– C’est pas qu’il voulait pas, c’est qu’il pouvait pas. Quelle période épouvantable ! Le médecin a dit que c’était une… (Elle se concentre pour retrouver le mot.) Aphasie post-traumatique.
– J’étais pas au courant de ça non plus…
– Il serait pas content du tout s’il savait que e t’ai dit tout ça. Lui répète pas, hein Camille ?
– Non, non, vous inquiéte pas. J’aurais bien aimé qu’il me le raconte lui-même, mais e sais qu’il le era pas. Il m’avait même pas dit, pour son père.
– Je reconnais bien là mon ils…
– Et comment il s’est remis à parler ?
– On ne sait pas, comme ça. Je lui ai demandé mais il ne sait pas lui-même. En in, c’est ce qu’il me dit. Un our, il s’est levé et il a reparlé. Et il a voulu arrêter ses études. Financièrement, on n’avait pas trop le choix de toute açon. J’avais amais travaillé, c’était impensable pour mon mari, donc e trouvais que des petits boulots qui su isaient pas à payer le loyer. Et puis il a ait quelques bêtises et… Je suis vraiment trop bavarde.
Elle me tend une tasse de ca é umant.
– En tout cas tu es la première qu’il amène ici.
Je suis la première qu’il amène chez sa mère ! Ça me redonne un peu le sourire parce que e suis retournée par tout ce que e viens d’apprendre sur Mike. L’angoisse me tord le ventre.
– Vous ave amais rencontré ses copines ?
– Penses-tu ! Y’a uste cette Coralie qui a sonné à la porte une ois mais il ne l’a amais ait entrer.
Ça me ait un mal de chien d’entendre parler d’une autre ille. Coralie. Un vrai prénom sur une vraie personne. Pas uste une silhouette dans une loge ou une soirée.
– Ah oui, Coralie ! Ils sont restés pas mal de temps ensemble, non ?
Je blu e, ’ai cette capacité. Je veux savoir où e mets les pieds. C’est pas oli oli mais c’est de la légitime dé ense.
– Oui, un petit moment, mais lui dis pas que e le sais, surtout. C’est Radhika, la commère de l’immeuble, qui me l’a raconté. S’il le sait, il serait capable d’aller l’engueuler et, moi, ’aurais plus ma source d’in os.
Elle me ait un clin d’œil. Je lui souris péniblement, la alousie s’est emparée de tout mon corps. C’est évidemment à ce moment précis que Mike revient. Je le regarde et e me dis que e ne connais pas vraiment ce garçon qui se tient devant moi. J’ai tou ours compris qu’il se tapait des illes comme ça mais apparemment, il avait une vraie petite copine. Peut-être même qu’il est tou ours avec elle. Et puis, c’est dingue d’apprendre qu’il a plus son père au bout de deux mois. C’est vrai qu’entre mes répètes et les siennes, on ne peut pas se voir plus de deux ou trois ois par semaine, mais quand même. J’ai envie de partir d’ici. De rentrer che moi. Je ne me sens pas bien.
– Ça va Camille ? Tu ais une drôle de tête.
– Non ça va ! Pas de souci, e suis uste un peu atiguée.
– Tu viens ?
Il me ait signe de le re oindre pour aller dans sa chambre. Je le suis. Il erme la porte et chuchote.
– Qu’est-ce qu’il y a ?
– Mais rien, e te dis, e suis atiguée. Faut que ’y aille, Mike, ’ai une répète importante demain matin.
Il prend ma tête entre ses mains, me regarde droit dans les yeux comme s’il voulait lire dans mon cerveau.
– Quoi ? Elle t’a dit un truc ?
– Mais non, t’inquiète.
Je me dégage de ses mains.
– Tu ais chier ! Je commence à te connaître, e suis sûr qu’il y a un truc. Qu’est-ce que tu ous sur ton portable ?
– Je cherche le prochain RER. Y’en a un dans quin e minutes. Tu crois que c’est bon ?
– Ouais, e t’accompagne.
On marche tous les deux vers la gare sans se dire un mot. Il serre la main de quelques types sur le chemin sans me présenter. J’ai roid et e rentre mes mains dans la grande poche de ma robe. Mike passe son bras autour de mes épaules et me rotte le bras énergiquement. C’est le genre de geste que ’adore che lui. Il me regarde. Il voit les choses. Son côté macho, ça me gon le des ois mais son attitude protectrice me touche vraiment. J’ai l’impression que rien ne peut m’arriver quand il est là.
On attend tous les deux devant la gare. Le train arrive dans cinq minutes. J’ai envie de lui poser la question pour cette Coralie mais e ne veux pas mettre sa mère en porte-à- aux.
Il me tient au chaud entre ses bras. C’est dingue, ce froid en plein mois de juillet.
– T’es sûre que ça va ? Il ait pas si roid que ça et t’es toute gelée. T’es peut-être malade ?
– Nan, ça va, t’inquiète.
– Tu trembles…
Le train arrive.
– C’est mon RER, e crois… Faut que ’y aille.
Je l’embrasse rapidement et e cours vers le train. Il reste là, à me regarder partir. Je monte dans la rame et e lui ais un signe par la enêtre. Il me répond d’un petit hochement de tête et tourne les talons. Je le vois s’éloigner, ses mains en oncées dans sa veste de survêt. Est-ce que moi toute seule, je vais réussir à le faire sortir de sa coquille ? Est-ce qu’il va me faire assez confiance pour me parler un jour ? Ça me rend triste. Cette soirée m’a rendue triste.
MIKE
Je sais qu’il y a un truc qui va pas. Quand e rentre, e vais voir ma mère direct.
– Vous ave parlé de quoi, avec Camille. ?
Mon ton est un peu trop agressi pour parler à ma daronne mais elle ait comme si elle captait pas. Elle me ait un beau sourire comme ’en avais pas vu depuis un bail.
– Elle est drôlement bien, cette Camille. Je m’attendais pas à ce que tu me ramènes une ille comme ça !
– Quoi ? Tu me voyais avec une grosse, moche, un peu conne ?
– Mais non, mon ils. C’est uste qu’elle est particulièrement bien, e trouve.
Je le dis pas mais ça me ait quand même plaisir que ma daronne la valide.
– Vous ave parlé de quoi, alors ?
– De plein de choses. Elle est très agréable.
– Ouais, e sais. Elle est bien élevée, c’est une bourge.
– Oh ! Mika, c’est pas gentil de dire ça.
– C’est vrai ! C’est une bourge. Elle croit qu’elle en est pas une, et pourtant si. Mais une bourge chouette.
– Mika ! T’es vraiment…
– Vraiment quoi ?
– Non rien. Pourquoi tu me demandes de quoi on a parlé ? Y’a un truc qui va pas ?
– Laisse tomber, maman.
Je trace dans ma chambre. Quelques minutes plus tard, e l’entends qui rappe à ma porte.
– Quoi ?
Elle ait uste apparaître sa tête dans l’ouverture de la porte.
– J’ai pas mal discuté avec elle. On a beaucoup parlé de ton père et de toi.
– Et c’est tout ?
– Oui… et…
– Quoi ?
– Aussi, un peu de ta copine Coralie, mais c’est tout.
– Quoi, Coralie ? D’où tu connais Coralie ?
– Elle est venue sonner une ois, tu te souviens ?
Si je me souviens ? Je lui avais passé un bon savon, à Coralie. Je lui avais tou ours dit de pas se radiner che moi.
– J’espère que ’ai pas ait de ga e ? En même temps, Camille savait dé à, pour toi et Coralie.
– Que dalle ! Elle savait rien.
– Ah ?
Ma mère a l’air surprise mais ’imagine que, maligne comme elle est, Camille a dû prêcher le aux pour savoir le vrai.
– Désolée, Mika. Pour une ois que tu ramènes quelqu’un… – Laisse tomber, c’est pas grave.
Fait chier. Camille va s’imaginer des trucs. Elle a le cerveau qui galope vite. Je l’appelle.
CAMILLE
J’arrive aux Halles. Je descends du RER pour prendre ma correspondance. Je déteste les Halles, principalement parce que ça pue. On a l’impression d’atterrir dans les chiottes de Paris. C’est dingue, ça ait des années que c’est comme ça. J’ai lu une ois que c’était parce que la station avait été creusée dans une roche et que l’odeur viendrait d’une réaction chimique entre cette roche et le ga carbonique re eté par les voyageurs. Ce serait un problème insoluble, du coup. Et puis, c’est un vrai labyrinthe. Même en passant ici très souvent, e me paume tout le temps.
J’habite à Bonne-Nouvelle, e prends la 4 usqu’à Strasbourg- Saint-Denis. J’aurai un peu de marche mais ça me era du bien. Ça m’aidera à digérer un peu toutes ces in os. Je voulais voir où vivait Mike, e n’ai pas été déçue. J’en ai appris plus sur lui en même pas une heure avec sa mère qu’en deux mois avec lui. J’ai compris pas mal de choses, aussi. Pourquoi il est tout le temps en colère, agité, et pourquoi le rap est si important pour lui. Plus qu’important : vital. Et e sais maintenant pourquoi il me prend pour une grande bourgeoise. Il y a un tel écart entre nos deux mondes. Leur appart est vraiment glauque. Les bâtiments crados, les cages d’escalier toutes dé oncées, les mecs qui squattent le hall comme si les murs
tenaient grâce à eux, ça sent la eed, il n’y a rien de propre, rien de beau, que des trucs cassés. Même les gens ont l’air abîmés. J’ai essayé de ne pas lui montrer mon angoisse mais e pense qu’il l’a captée. Je ne m’attendais pas à ça. Je n’avais amais mis les pieds dans une cité avant. Je comprends pourquoi il ne voulait pas que e vienne seule et que e traverse sans lui les bâtiments. On me repère à quin e mille. Je ne suis pas une peureuse, mais ’avoue que si Mike n’avait pas été avec moi, ’aurais été en lippe totale.
J’ai l’impression d’être loin de lui depuis cet après-midi, alors que e pensais m’être approchée tout près ces derniers temps. On a des vies tellement di érentes. Fanny avait peut-être raison de me mettre en garde. J’ai peur que tout ça nous sépare. Parce que e l’aime vraiment. Il y a des tas de trucs que ’ai du mal à supporter, comme son côté emporté, macho, taiseux, mais e ne peux plus me passer de lui.
Quand ’étais petite, ’ai regardé avec ma mère une redi usion de L’Été meurtrier de Jean Becker à la télé. Avant, on se souciait moins de ce que les en ants regardaient. C’était une autre époque, celle où on roulait sans ceinture, où on umait en voiture avec les en ants sur la banquette arrière. Une autre époque. Maintenant, on lippe pour tout.
Bre , il y a une phrase dans ce ilm. Une phrase qui m’est tou ours restée et qui, au ourd’hui, me ait beaucoup penser à Mike. Le personnage principal, oué par Alain Souchon, parle de la ille dont il est raide dingue et dit : « Elle donnait à la vie des coups d’accélérateur comme e n’en connaissais pas. » Et Mike, c’est exactement ça, il va vite, il va ort. Il est tout le temps en train de programmer la suite. Le suivre, c’est enivrant. Et un peu lippant, aussi.
Quand e sors de la bouche de métro, e regarde machinalement mon portable et e vois que ’ai deux appels de lui en absence. Il a essayé de me oindre quand ’étais dans les tunnels. Je lui en veux, de ne pas m’avoir parlé de sa vie et pas mal aussi parce qu’il m’a caché l’existence de cette Coralie. Je suis a reusement alouse de cette ille que e n’ai amais vue. Qu’il ait posé ses mains, sa bouche sur elle, ça me serre l’estomac.